Démissionnaires à Paris, décideurs à Bruxelles : le droit européen plus fort que le droit français ?
Auteur : Etienne Merle, journaliste
Relecteurs : Bertrand-Léo Combrade, Professeur de droit public à l’Université de Poitiers
Vincent Couronne, docteur en droit européen, enseignant à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Maylis Ygrand, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste
Alors que les gouvernements se succèdent et tombent à Paris, la France continue d’agir à Bruxelles. Ministres démissionnaires, mais toujours membres du Conseil de l’Union européenne, ils participent aux décisions qui engagent durablement le pays — des décisions qu’en droit français, ils n’ont plus le pouvoir de prendre.
Un ministre relégué à la simple gestion des affaires courantes, sans légitimité politique, peut-il encore engager la France dans un soutien financier à un pays en guerre ? Peut-il défendre la levée d’une partie des quotas de pêche au nom des intérêts économiques et au détriment de la biodiversité ?
En droit français, la réponse est claire : non. L’expédition des affaires courantes interdit toute impulsion politique. Un gouvernement démissionnaire n’agit plus, il administre. C’est la règle, héritée du principe de responsabilité devant le Parlement. L’objectif est clair : garantir la neutralité d’un gouvernement sans mandat et empêcher qu’il n’engage durablement l’État dans des choix politiques.
Mais à Bruxelles, la partition change. Les ministres français démissionnaires continuent de siéger au Conseil de l’Union européenne, cette instance où se réunissent les ministres des Vingt-Sept pour adopter les lois, définir les budgets, orienter la...