Déclaration de l’EFCSN sur la réduction des engagements des plateformes vis à vis du Code de bonnes pratiques contre la désinformation

Création : 24 janvier 2025

Auteur : EFCSN, traduit de l’anglais par Nelly Pailleux

Alors que le Code évolue d’un ensemble volontaire de principes à un instrument de co-régulation officiel dans le cadre du Digital Services Act (DSA), le retrait complet de Google, YouTube et LinkedIn du chapitre sur la vérification des faits est extrêmement préoccupant. Les recherches montrent que la vérification des faits et les étiquettes de vérification fonctionnent, et que les Community Notes ne constituent pas une alternative efficace.

22 janvier 2025 – L’EFCSN est alarmé par le retrait de certaines plateformes des engagements qu’elles avaient pris il y a seulement deux ans dans le cadre du Code de bonnes pratiques contre la désinformation et est préoccupé par leur engagement global envers le bien-être des millions d’Européens qui utilisent leurs services chaque jour.

En particulier, le retrait complet de Google, YouTube et LinkedIn du chapitre sur la vérification des faits est préoccupant. Ces plateformes ont choisi de ne plus collaborer avec les vérificateurs de faits et privent ainsi leurs utilisateurs de la possibilité d’accéder à des informations fiables sur le contenu qu’ils consomment, alors même que la vérification des faits a prouvé son efficacité dans la lutte contre la désinformation, tout en respectant pleinement la liberté d’expression de chacun. Google, YouTube et LinkedIn s’étaient engagés à intégrer la vérification des faits dans leurs services depuis qu’ils avaient signé le Code en 2022.

Les dispositions du Code relatives à la vérification des faits ont été convenues par un large éventail de parties prenantes, incluant des vérificateurs de faits, des universitaires, des régulateurs et les plateformes elles-mêmes. Ce retour en arrière, alors que le Code gagne en force d’application, est en contradiction avec l’acceptation antérieure des mesures incluses par les plateformes lorsqu’elles étaient volontaires. Néanmoins, l’EFCSN garde espoir que le Code puisse contribuer à un meilleur espace informationnel dans l’Union européenne, étant donné qu’il servira de référence pour l’application du Digital Services Act (DSA).

Au-delà du retrait de Google, YouTube et LinkedIn, la réserve exprimée par Meta concernant ses engagements, suite à l’annonce du 7 janvier 2025 mettant fin à son programme de vérification des faits par des tiers aux États-Unis, suscite également des inquiétudes. L’EFCSN espère que Meta reconnaîtra le succès du programme et la nécessité de maintenir ces engagements dans le contexte européen. L’accord fragile de Meta risque dangereusement d’abaisser les exigences pour d’autres plateformes, nourrissant la crainte d’un affaiblissement grave du Code.

De même, la condition exprimée par TikTok dans ses engagements, qui les subordonne à ceux des autres plateformes, souligne cette dynamique et l’incertitude générale quant à l’engagement des plateformes envers ce qui a été prouvé comme l’une des méthodes les plus efficaces contre la désinformation en ligne.

Malheureusement, ces retraits ne sont pas une surprise, car la mise en œuvre des engagements pris par les plateformes en 2022 a toujours été, au mieux, incertaine. Fin 2024, l’EFCSN a publié un rapport évaluant l’application des engagements précédemment pris dans le cadre du Code. Bien que de manière variable, toutes les plateformes ont échoué à respecter leurs engagements. Avec ce rapport, l’EFCSN avait déjà appelé les plateformes à modifier leur stratégie sur la désinformation et à démontrer un véritable engagement envers le Code, ce que nous réitérons aujourd’hui.

Le Code liste de nombreuses façons dont les plateformes devraient lutter contre la désinformation, notamment la coopération avec les vérificateurs de faits et l’intégration de la vérification des faits dans les plateformes. La vérification des faits est essentielle pour maintenir des sociétés libres, justes et démocratiques. Elle constitue la première ligne de défense dans nos espaces informationnels contre la désinformation. En ajoutant du contenu fondé sur des recherches aux conversations controversées, la vérification des faits permet aux citoyens de faire des choix plus éclairés concernant le contenu en ligne qu’ils consomment. Les vérificateurs de faits professionnels sont tenus de respecter les standards éthiques et journalistiques les plus élevées, établies par des organisations comme l’EFCSN, et agissent comme une source fiable dans des espaces internet où prolifèrent de nombreuses voix peu fiables.

Les étiquettes sur la désinformation permettent aux utilisateurs de prendre des décisions éclairées sur le contenu qu’ils consomment et partagent. Les recherches ont maintes fois démontré l’efficacité des étiquettes d’avertissement sur la désinformation. Par exemple, une étude de 2023 menée par des chercheurs du MIT a conclu que « les étiquettes d’avertissement peuvent réduire de manière fiable la croyance en des contenus faux et leur diffusion en ligne ». Cela est vrai même pour les utilisateurs méfiants envers les vérificateurs de faits. En fait, les étiquettes des vérificateurs de faits sont plus efficaces que celles créées par des algorithmes ou par les utilisateurs. Les étiquettes diminuent la crédibilité des publications contenant de la désinformation, et les utilisateurs déclarent eux-mêmes être moins susceptibles de partager un tel contenu étiqueté. En ajoutant un contexte important à la conversation, ces étiquettes fournissent aux citoyens davantage d’éléments pour décider quels contenus consommer et amplifier.

L’alternative proposée des Community Notes s’est révélée inefficace dans sa forme actuelle. En effet, des recherches sur l’introduction des Community Notes par X n’ont trouvé « aucune preuve que leur introduction ait significativement réduit l’engagement avec des tweets trompeurs », selon une étude de 2024. L’étude précise également qu’il s’agit d’une stratégie notablement plus lente pour répondre au contenu viral. Les Community Notes soulèvent également des problèmes potentiels liés à leur tendance au raisonnement politiquement motivé. Une enquête menée par Science Feedback, membre de l’EFCSN, a également examiné X et a constaté que la plupart des contenus jugés faux ou trompeurs par les vérificateurs de faits n’ont fait l’objet d’aucune intervention, démontrant l’insuffisance de cette approche.

L’EFCSN exhorte les institutions et régulateurs de l’UE à protéger les démocraties européennes et leurs citoyens contre les effets néfastes de la désinformation et à faire preuve de détermination et de clarté envers les plateformes en cette période critique.

À propos du Code de bonnes pratiques contre la désinformation
Le Code de bonnes pratiques de l’UE (« le Code ») contre la désinformation est un cadre destiné aux plateformes en ligne pour guider et surveiller leurs engagements dans la lutte contre la désinformation. Il est complet et contient 128 mesures spécifiques, telles que l’intégration de la vérification des faits dans les plateformes. Pour les signataires désignés comme très grandes plateformes en ligne (VLOP) ou très grands moteurs de recherche en ligne (VLOSE), l’engagement envers le Code est également pertinent dans le cadre du Digital Services Act (DSA), car le Code sera converti en Code de conduite. Notamment, bien que les plateformes adhèrent volontairement au Code et puissent se désengager de certains engagements, il sera utilisé comme référence pour évaluer leur conformité au DSA, qu’elles soient signataires ou non.

À propos de l’EFCSN
Le Réseau Européen pour les Normes de Vérification des Faits est une association d’organisations de vérification des faits qui s’engagent à respecter les normes d’indépendance, de transparence et de qualité journalistique décrites dans le Code européen des normes pour les organisations indépendantes de vérification des faits. Avec plus de 50 membres vérifiés à travers l’Europe, l’EFCSN est la voix des vérificateurs de faits européens. L’EFCSN est également signataire du Code de bonnes pratiques.

La rédaction n’a pas pris part à l’écriture de cet article. 

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