Crédits photo : Jean-Luc Hauser (CC 4.0)

Christophe Barthès (RN) installe une crèche dans sa permanence : Adrien Quatennens (LFI) invoque la laïcité

Création : 3 décembre 2023
Dernière modification : 5 décembre 2023

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, Université de Poitiers 

Liens d’intérêts : aucun

Fonctions politiques ou similaires : aucune

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani

 

Source : La Dépêche, 29 novembre 2023

Les députés ne sont pas soumis au principe de laïcité hors de l’hémicycle, et leur permanence n’est pas un lieu d’exercice d’un service public.

Échange houleux à l’Assemblée entre deux députés. D’un côté Christophe Barthès (RN) fier de poser en photo sur le réseau X devant la crèche de noël installée dans sa permanence à Carcassonne, « dans le respect des traditions ». De l’autre, Adrien Quatennens (LFI), très critique : « Ici c’est la France. Et la France est une République laïque. Comme parlementaire, vous représentez tous les Français. La crèche, c’est éventuellement dans le salon à la maison. Pas dans la permanence parlementaire ».

On passera sur la réponse du député RN « Moi je ne tape pas ma femme, fainéant ! » dont l’appréciation relève moins du droit que du critique de comique de boulevard pour se concentrer sur l’erreur commise par Adrien Quatennens.

Les députés ne sont pas soumis au principe de laïcité

Nous avions déjà eu l’occasion d’évoquer le sujet, à propos d’une demande de députés LR tendant à exiger le port de la cravate au sein de l’hémicycle. Le principe de neutralité politique et religieuse ne s’applique pas aux élus car ils ne sont pas des agents publics (Conseil constitutionnel, décision du 21 février 2013). La seule réserve tient à une auto-discipline que s’est imposée l’Assemblée à travers une « Instruction générale du Bureau » dont l’article 9 prévoit : « La tenue vestimentaire ne saurait être (…) le prétexte à la manifestation de l’expression d’une quelconque opinion : est ainsi notamment prohibé le port de tout signe religieux ostensible, d’un uniforme, de logos ou messages commerciaux ou de slogans de nature politique ». Il est donc loin le temps où l’Abbé Pierre siégeait en soutane et où Philippe Grenier portait un habit traditionnel musulman à l’Assemblée. Mais cette instruction ne vaut qu’à l’intérieur de l’hémicycle.

La permanence d’un député n’est pas un service public

Lorsqu’un député choisit un lieu pour y établir sa permanence dans sa circonscription, il le loue en général, et noue alors un contrat de bail civil des plus classiques. Lorsqu’il y exerce sa fonction de député, il ne remplit aucune mission de service public : il représente la Nation, et sa fonction est donc politique. Les assistants parlementaires, qui reçoivent les électeurs, sont certes rémunérés par le député sur des fonds publics, mais ils ne sont pas non plus considérés comme étant en charge d’une mission de service public.

D’ailleurs, indépendamment de sa fonction politique en tant que représentant de la nation, le député représente aussi un parti politique. Or, les partis politiques, selon la Constitution (article 4), « concourent à l’expression du suffrage (…) Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ». Là encore, pas de principe de laïcité, car les partis politiques ne sont pas investis d’une mission de service public selon le juge (Cour de cassation, 27 janv. 2017).

À l’inverse, si les députés étaient considérés comme exerçant une mission de service public dans leur circonscription, le respect du principe de laïcité se serait imposé au sein de leur permanence. En somme, il est faux d’affirmer qu’une crèche n’a pas sa place dans une permanence de député.

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