Christian Estrosi refuse de rétablir une voie à double sens, malgré une décision du Tribunal Administratif de Nice
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Relecteur : Maxime Boul, maître de conférences en droit public, Université Toulouse Capitole, IEJUC
Liens d’intérêts : aucun
Fonctions politiques ou similaires : aucune
Source : France 3 Côte d'Azur, 22 février 2024
Le maire doit se conformer à la décision du juge administratif, ou il sera sanctionné. Sauf s’il fait appel du jugement ou demande une dérogation.
Le Tribunal administratif de Nice a retoqué la décision de Christian Estrosi, le maire de la ville, créant une circulation à sens unique avec une large piste cyclable sur une partie des quais longeant la Méditerranée. Or ces quais sont classés “routes à grande circulation”. Le juge a donc demandé le retour de la circulation à double sens, ce que Christian Estrosi refuse. Mais il doit s’y conformer.
Une décision de mise en sens unique prise en temps de Covid-19
L’arrêté municipal en question est celui du 11 mai 2020 qui crée une circulation à sens unique et des pistes cyclables sur les quais des Etats-Unis, Rauba Capeu, Guynemer, Lunel, de la Douane et Papacino. Le motif invoqué par le maire est la nécessité d’élargir les voies piétonnes pour créer une meilleure distanciation entre les personnes : on était en pleine crise sanitaire. Mais cet arrêté n’a pas été abrogé après la pandémie : la voie fermée est même devenue une piste cyclable, et la circulation à sens unique est restée en vigueur.
Les quais en question sont classés « routes à grande circulation »
Le juge administratif a annulé cet arrêté municipal, et quelques autres, car les axes concernés avaient une qualification particulière : ce sont des « routes à grande circulation ». Selon l’article L. 110-3 du code de la route, « les routes qui permettent d’assurer la continuité des itinéraires principaux et, notamment, le délestage du trafic, la circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires et la desserte économique du territoire » ont le statut de « routes à grande circulation« . Des règles particulières s’appliquent : le maire y exerce son pouvoir de police de la circulation comme sur les autres routes de l’agglomération, mais il doit au préalable consulter le préfet (article R. 411-8 du code de la route). En 2020, Christian Estrosi n’a pas consulté le préfet des Alpes-Maritimes avant de modifier les règles de circulation, ce qui rend sa décision illégale.
C’est ce qu’a jugé le Tribunal, qui en outre a “enjoint à la commune de Nice et à la Métropole Nice-Côte d’Azur, de procéder à la remise en état des voies de circulation dans leur état antérieur”. Or le maire de Nice refuse.
La décision du juge s’impose au maire… mais il peut la contourner
Le jugement d’un tribunal, judiciaire ou administratif, doit être exécuté. Christian Estrosi a le droit de ne pas être d’accord, mais il doit alors faire appel devant la cour administrative d’appel. Or, l’appel n’est en principe pas suspensif… ce qui implique l’exécution du jugement le temps que la cour statue.
Si le maire laisse passer le délai d’appel sans se conformer au jugement, la ville de Nice pourrait se retrouver de nouveau devant le juge qui réitèrerait alors sa demande de remise en état, cette fois assortie d’astreintes (c’est-à-dire une pénalité financière par jour, semaine ou mois de retard).
Il reste au maire la possibilité de régulariser la situation en consultant le préfet avant de prendre un nouvel arrêté. Il est possible que celui-ci accepte l’aménagement des quais.
Dernière possibilité, le maire peut demander au gouvernement de déclassifier les quais en question, ce qui aurait pour effet de dispenser le maire de toute remise en état.
Une erreur dans ce contenu ? Vous souhaitez soumettre une information à vérifier ? Faites-le nous savoir en utilisant notre formulaire en ligne. Retrouvez notre politique de correction et de soumission d'informations sur la page Notre méthode.