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Nicolas Sarkozy et Christian Estrosi lors de l'inauguration des novuelles plages des rues "Charles Pasqua" et "Philippe Seguin" à Nice, le 16 novembre 2018. Crédit : Valery Hache / AFP

Christian Estrosi a-t-il le droit de renommer une place « Nicolas Sarkozy » à Nice ?

Création : 30 septembre 2025

Auteur : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte X de Christian Estrosi, le 29 septembre 2025

Condamné dans l’affaire du financement libyen, Nicolas Sarkozy a reçu le soutien de Christian Estrosi, qui veut donner son nom à un parvis niçois. Mais le droit et le principe de neutralité pourraient s’y opposer.

Après sa condamnation à cinq d’emprisonnement pour association de malfaiteurs dans l’affaire du financement libyen, Nicolas Sarkozy a reçu un grand nombre de soutiens de la part de sa famille politique — et même au-delà.

Parmi eux, Christian Estrosi, maire (Horizons) de Nice a voulu rendre hommage à l’ancien président de la République en donnant son nom au futur parvis des Hôtels de police municipale et nationale de la ville.

Mais une telle démarche est-elle possible au regard du droit ? Ce n’est pas sûr.

Le code général des collectivités territoriales prévoit que c’est au seul conseil municipal — et non au maire — de décider de la dénomination d’un espace public de la commune, mais n’en dit pas plus sur la marche à suivre. Il faut donc chercher du côté du juge.

Une règle générale de neutralité des services publics

En 2007, le Tribunal administratif de Lille a eu à juger du nom donné à une école maternelle. Le conseil municipal de la commune de Beuvry-la-Forêt (Nord) avait décidé de nommer l’établissement « école maternelle Jack-Lang ».

Le tribunal administratif a annulé cette décision, au motif qu’au moment de la délibération du conseil municipal, Jack Lang « était l’un des principaux responsables d’un parti politique d’envergure nationale, ministre de 1981 à 2002 et député dans le département réélu pour la dernière fois en 2002 sous l’étiquette de ce parti ».

Le tribunal juge donc que « le conseil municipal a porté atteinte au principe de neutralité s’appliquant […] au service public ». Une telle atteinte n’est à l’inverse pas caractérisée lorsque des conseils municipaux optent par exemple pour « Simone Veil » avant sa mort (elle avait quitté la vie politique) ou « Pierre Perret » (chanteur toujours vivant).

Quelle leçon pour la « place Nicolas Sarkozy » à Nice ?

Dans le cas de la commune de Nice, le futur nom du parvis serait celui d’un ancien chef d’État encore vivant, marqué politiquement et intervenant occasionnellement dans la vie politique française. Bien qu’il soit retiré de tout mandat et de toute fonction politiques, sa position semble suffire à caractériser une atteinte au principe de neutralité.

Cette place, qui porte pour l’instant le nom du Général Marshall, accueille le square Général Marshall. La question est de savoir si cet espace vert poursuit une mission de service public et, dans ce cas, doit respecter le principe de neutralité.

La jurisprudence administrative a égrené un faisceau d’indices permettant d’établir l’existence d’un service public. Tout d’abord, c’est bien la ville qui a la charge de ce parc et qui doit l’entretenir. Puis, dans la mesure où il abrite une aire de jeux pour enfants et qu’il est dédié à « l’agrément » des niçois selon un panneau à l’entrée, il semble poursuivre un intérêt général culturel. On a donc bien à faire à un service public.

En conclusion, pour donner son nom au parc en question, Christian Estrosi aurait dû attendre que Nicolas Sarkozy se mette totalement en retrait de la vie politique, ou qu’il décède. Il y a donc de fortes chances que cette initiative ne passe pas devant le juge, qui pourra être saisi par le préfet ou n’importe quel Niçois ayant intérêt à agir.