Changement climatique : ces trois menaces majeures pour la France
Autrice : Maylis Ygrand, étudiante à l’École publique de journalisme de Tours
Relectrice : Lili Pillot, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste
Submersion marine, sécheresse, retrait-gonflement des argiles… Autant de phénomènes qui vont s’intensifier en France, en raison du dérèglement climatique et auxquelles les politiques publiques devront faire face. A la veille d’élections législatives dont l’issue sera déterminante pour ces enjeux, les Surligneurs reviennent sur ces trois conséquences concrètes.
Craint, relativisé, minimisé ou même réfuté, le changement climatique n’est pourtant plus une lointaine prévision. Il est là et ses impacts se font déjà ressentir en France, par l’intensification d’événements extrêmes. Qui se rappelle des feux de forêts près de Bordeaux, en 2022, qui avaient brûlé 28 700 hectares ? “Chacun est, ou sera confronté à l’un ou l’autre de ces événements : canicule, sécheresse, inondation, submersion marine, incendies de forêt, retrait-gonflement des argiles…”, confie par message aux Surligneurs Joël Guiot, directeur de recherche au Centre Européen de Recherche et d’Enseignement en Géosciences de l’Environnement.
Des événements extrêmes qui ne cesseront de s’intensifier dans les prochaines décennies. Par exemple, il manquera 2 milliards de mètres cubes d’eau douce en 2050 selon la Mission interministérielle sur les impacts du changement climatique, l’adaptation et les coûts associés en France. Nos maisons, nos modes de vies, nos projets vont parfois devoir être repensés face aux contraintes environnementales. Quand certains Français subiront de multiples submersions marines, d’autres verront leurs maisons fissurées ou devront s’alimenter en eau par camion-citerne l’été, comme ce fut déjà commencé à être le cas. Ceci n’est pas le synopsis d’un roman futuriste, mais une réalité qui est déjà là et qui doit être connue à l’approche des élections législatives.
Les Surligneurs se sont donc appliqués à surligner certains des enjeux qui touchent les Français en raison du dérèglement climatique. Et ce, pour avoir toutes les clés en main lorsque vous irez voter.
- Un littoral qui s’effrite et se retrouve sous l’eau
Une maison sous l’océan. Loin de la vie rêvée par Sébastien dans La Petite Sirène, cette réalité pourrait devenir celle de certains Français dans les décennies à venir. “Il y a beaucoup de côtes qui seront inhabitables en 2100”, rend compte Rafael Almar, océanographe-physicien au Laboratoire d’Études en Géophysique et Océanographie Spatiales. Selon un rapport du Cerema, publié en février dernier, l’évolution des surfaces qui pourraient être submergées est impressionnante : ce serait 7 962 hectares en 2050 (dont 761 ha de surfaces urbanisées) et jusqu’à 506 195 hectares en 2100 (dont 41 178 ha de surfaces urbanisées).
“Ces risques de submersion marine ont déjà augmenté de 50 % depuis les années 90”, continue-t-il. Des chiffres qu’il tire d’une étude internationale de l’Institut de recherche pour le développement à laquelle il a participé. Ce rapport rappelle également que “ce sont les prémices” et que nous sommes “au début de l’accélération”. En cause ? Des océans qui ne cessent de gagner du terrain à cause d’un réchauffement global des températures.
Le phénomène physique est assez simple. “C’est corrélé avec le changement global qui entraîne deux grands phénomènes : une eau qui se réchauffe et donc qui prend plus de place car elle se dilate et un certain nombre de glaciers qui fondent et augmentent la quantité d’eau présente dans les océans”, explique Arnaud Hequette, qui travaille au Laboratoire d’océanologie et de géosciences. Ensemble, ces événements entraînent une montée des eaux.
Une réalité concrète pour plus de 20 000 personnes en Hauts-de-France qui vivaient “dans une zone exposée à l’aléa submersion”, en 2021, selon une étude de l’Insee parue en janvier dernier.
Loin de se cantonner au nord de la France, cette problématique concerne de par et d’autres les côtes françaises, comme dans le delta du Rhône ou dans les Landes. “Dans la plupart des cas, il y aura des submersions qui deviendront tellement fréquentes que cela deviendra insupportable”, analyse Arnaud Hequette. Jusqu’à sombrer, pour certains endroits, dans l’océan. Sans mesure d’adaptation ou de mitigation, il se pourrait que des villes comme La Rochelle ou Dunkerque finissent en partie sous l’eau.
Outre le réchauffement climatique, ces risques d’inondation sont également dus à un mauvais aménagement du territoire. “Il ne nous viendrait pas à l’idée de construire un chalet de montagne dans un couloir d’avalanche,” du fait de la dangerosité illustre Eric Chaumillon, professeur en géologie marine et littorale à La Rochelle Université. “Or, il se trouve que c’est ce qu’on a fait parfois le long des littoraux.”
Mettre plus de moyens dans la lutte contre le réchauffement climatique ? Investir dans la protection de nos côtes ? Mieux penser nos habitats ? Aux citoyens de choisir, en fonction de leur vote, aux prochaines élections législatives.
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L’eau douce : une perle qui se fait rare
Plus d’eau au robinet. Loin d’être de “la science-fiction, cette situation s’est déjà produite régulièrement ces dernières années, en France”, assène Guillaume Bertrand, hydrogéologue et enseignant-chercheur à l’université de Franche-Comté. Quatre communes des Pyrénées-Orientales avaient ainsi subi des coupures d’eau en avril 2023.
Une sécheresse dont les Roussillonnais ont d’ailleurs encore du mal à se dépêtrer. En témoignent les interdictions d’arroser son potager, sa pelouse ou ses massifs de fleurs, actuellement en vigueur dans le département. Cette sécheresse dure, et les précipitations printanières ne suffisent pas à remplir les nappes phréatiques dans cette zone.
Une situation ubuesque pour certains territoires français, qui semblent ne jamais être sortis de l’automne. Autre parallèle insensé : les étés se font de plus en plus secs, mais le taux moyen annuel de précipitations reste stable.
Illogique ? De prime abord, nous pourrions le croire. Mais “ce constat cache de fortes disparités saisonnières et régionales”, peut-on lire sur le site de Météo-France. “Les hivers sont de plus en plus pluvieux et les étés le sont de moins en moins”, confirme Guillaume Bertrand.
Et ces précipitations ne tombent pas n’importe comment. Adieu les flocons, il pleut désormais des cordes. Cette différence d’état n’est pas anodine pour nos ressources en eau. En effet, “la neige constitue un stock d’eau qui est retardé sous forme solide et qui au printemps va fondre et réalimenter les hydrosystèmes, les eaux de surface ou souterraines, alors que l’eau qui tombe sur le sol n’est pas retardée.” Autrement dit, à l’image de la cigale dans la fable de La Fontaine, les hydrosystèmes se retrouvèrent fort dépourvus quand l’été fut venu.
C’est tout une “perturbation du cycle de l’eau, dû au changement climatique”, qui n’est pas sans conséquence, expose l’hydrogéologue, Guillaume Bertrand. Selon le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique, si nous conservons la même méthode de consommation de l’eau, ce sera 2 milliards de mètres cubes d’eau qui manqueront en 2050.
Automatiquement, des “conflits d’usage” adviendront alors. “Il faudra choisir entre arroser les champs, nourrir les bêtes et continuer à avoir des usages domestiques”, expose Guillaume Bertrand. Des besoins qui devront donc être hiérarchisés à l’avenir.
- Nos maisons craquent et nos assurances avec
10,4 millions. Voici le nombre de maisons individuelles exposées au phénomène de retrait-gonflement des argiles en France en 2023, selon les derniers chiffres communiqués par le gouvernement. Ce terme est quelque peu alambiqué mais, pas de panique, son explication est toute simple.
Le retrait-gonflement des argiles, “confère au sol la capacité de gonfler et de se rétracter au rythme des épisodes de pluie et de sécheresse”, introduit Eric Ferrage, chercheur du CNRS à l’Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers. Ainsi, le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique détaille : “Un sol argileux change de volume et de consistance selon sa teneur en eau. Humide, il gonfle. Desséché, il se rétracte.”
Un mécanisme donc particulièrement impacté par le dérèglement climatique car “nous observons des épisodes de sécheresse beaucoup plus intenses et des épisodes de crues plus importants”, explicite Eric Ferrage.
Fissures sur les murs, déformations… le retrait-gonflement des argiles a des conséquences importantes sur le bâti. C’est devenu la deuxième cause d’indemnisation des assurances derrière les inondations, sur la période 1995-2013, selon le Centre de ressources pour l’adaptation au changement climatique.
Et ce coût pour la société va continuer d’augmenter aussi bien “au moment de la construction par la mise en place de structures de plus en plus solides”, que pour “les assurances pour la prise en charge des sinistres”, rend compte Eric Ferrage. D’après le site Vie publique, les dépenses liées au retrait-gonflement des argiles pour la période 2020-2050 vont tripler par rapport à la période 1989-2019. Alors que 48% du territoire métropolitain est exposé à ce phénomène, la question s’avère être un réel défi pour les décennies à venir.
Ces phénomènes liés au changement climatique n’ont rien d’anodin pour les personnes concernées et l’économie française. Selon l’ADEME, si la mise en œuvre de la transition écologique est retardée, la perte financière pourrait être importante. Dans un scénario à +3,5°C en 2100, le PIB serait inférieur de 10 points en pourcentage de ce qu’il serait sans réchauffement climatique.
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