Cette vidéo ne montre pas des météorites mais la désintégration d’un satellite Starlink en Espagne
Auteur : Clara Robert-Motta, journaliste
Relectrice : Nicolas Turcev, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
Source : Compte Facebook, le 11 août 2025
Des centaines d’internautes ont capturé en vidéo des images ressemblant à une pluie de météorites. Si une autre hypothèse selon laquelle il s’agissait d’un étage de fusée chinoise avait été émise, c’est en réalité le passage d’un satellite Starlink dans l’atmosphère.
Les ciels d’été sont propices à l’émerveillement devant un parterre d’étoiles … et pourquoi pas d’étoiles filantes pour les plus chanceux. Ce dimanche 10 août, dans le sud de l’Espagne, des milliers de curieux ont eu le droit à un spectacle particulier dans le ciel : plusieurs importantes traînées de lumière ont longuement traversé le ciel.
« Une pluie de météorites a traversé le ciel ! Un phénomène incroyable que je n’aurais jamais pensé voir », s’émerveille une internaute avec la mention de la ville Torrevieja, au sud-est de l’Espagne.
Le phénomène, décrit et enregistré depuis différentes villes du sud espagnol, a initialement été perçu comme un météore ou une comète. Rapidement, certains observateurs spécialistes ont cependant émis d’autres hypothèses, expliquant qu’il s’agirait plus vraisemblablement d’un déchet spatial qui serait ré-entré dans l’atmosphère. Explications.
Fusée ou satellite ?
« Déchets spatiaux, bolide ou autre chose ? Un étrange objet a été filmé par plusieurs personnes dans différentes régions d’Espagne », rapporte un internaute hispanophone. L’astrophysicien, récemment retraité du Harvard-Smithsonian Center for Astrophysics et observateur assidu des lancements spatiaux, Jonathan McDowell, avait d’abord répondu à cette question avec l’idée que qu’il s’agissait d’un morceau de fusée.
« La Chine a lancé une fusée Jielong-3 le 8 août, laissant le quatrième étage de la fusée en orbite basse. Le quatrième étage est rentré dans l’atmosphère au-dessus de l’Espagne vers 21 h 50 UTC [23h50, heure sur place, ndlr] le 10 août », écrit l’astrophysicien sur X à 2h45 du matin, soit trois heures seulement après le phénomène visible en Espagne.
Cette théorie est alors reprise dans plusieurs médias, comme ici et ici.
Mais au fur et à mesure de la journée du lendemain, le 11 août, l’histoire se précise et l’hypothèse de la fusée Jielong-3 est abandonnée. « Oubliez ce que j’ai dit, j’ai fait une erreur dans mes calculs, se reprend Jonathan McDowell en répondant à son propre tweet. La rentrée atmosphérique au-dessus de l’Espagne concernait Starlink 30199 [l’un des satellites du fournisseur d’accès internet de SpaceX, ndlr]. L’étage de la fusée chinoise est passé plus d’une heure plus tard et n’est pas rentré dans cette orbite. »

Une fusée de SpaceX équipée de 23 satellites Starlink décolle de Cape Canaveral, en Floride, le 6 mai 2024. Crédits : JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP
Contacté, l’astrophysicien explique que les données orbitales actualisées de la Space Force – la branche spatiale de l’armée états-unienne qui met ses données à disposition ici – pour les objets concernés n’ont été disponibles que plus tardivement dans la journée.
« Ainsi, lorsque j’ai examiné la situation pour la première fois, le Jielong-3 semblait être une possibilité, mais une fois que nous avons obtenu la mise à jour des données, il est apparu clairement que le Jielong-3 ne correspondait pas. »
D’après le scientifique, le quatrième étage de la fusée Jielong-3 a survolé l’Espagne une heure après l’horaire auquel a été observé le phénomène et ne serait rentré dans l’atmosphère que le lendemain. Tandis que la rentrée du Starlink 30199 correspondait parfaitement en termes de date et de lieu. « Je suis donc désormais sûr à 99 % qu’il s’agissait du Starlink 30199 », clôt Jonathan McDowell.
Des données en libre accès
Selon plusieurs médias locaux et spécialisés, la fusée Jielong-3 a été lancée en mer Jaune, le 8 août 2025 (9 août en local). Ce lanceur chinois a envoyé dans le ciel 11 satellites qui doivent faire partie d’une constellation de la société spatiale Geespace (groupe Geely). Après le lancement, plusieurs parties de la fusée dont elle n’a plus besoin sont abandonnées et rentreront dans l’atmosphère.
D’après les données disponibles en ligne sur Space Track, aucun objet qui a décollé le 8 août 2025 n’est rentré dans l’atmosphère le 10 août au large de l’Espagne. En revanche, deux objets recensés pourraient correspondre au fameux quatrième étage de la fusée Jielong-3. Les objets « M » et « N » dont les identifiants Norad (le numéro assigné par les forces états-uniennes) sont le 65130 et 65131 ont été lancés le 8 août 2025 dans la mer Jaune en Chine et sont tous les deux rentrés dans l’atmosphère le 12 août 2025.
En revanche, le Starlink 30199, un satellite de l’entreprise Space X dont l’identifiant Norad est le 57299, est rentré dans l’atmosphère le 10 août 2025 à 23h50 (heure locale) au large de l’Espagne, d’après la représentation du site de suivi des satellites, Satflare.
Le phénomène visible dans le sud de l’Espagne était donc la rentrée dans l’atmosphère d’un satellite d’Elon Musk et non d’une partie de fusée chinoise. Mais alors pourquoi ce satellite est-il rentré dans l’atmosphère et s’est désintégré ?
Pourquoi faire retomber ces objets dans l’atmosphère terrestre ?
L’espace est désormais rempli d’objets stellaires envoyés par l’homme. Dans une interview, Christophe Bonnal, expert en débris spatiaux au Centre national d’études spatiales, dénombrait pas moins de 36 000 objets de plus de 10 centimètres dans le ciel. Dans The Conversation, Jessica Heim, astrophysicienne australienne, s’inquiétait, elle, de la pollution lumineuse que peut générer le nombre important de satellites qui s’accumulent dans le ciel. Ils pourraient être 100 000 à parcourir notre orbite d’ici à 2030.

Un photographe capture le passage en orbite au-dessus de la Nouvelle-Zélande de plusieurs satellites Starlink. Le nombre de satellites en orbite autour de la Terre pourrait atteindre les 100 000 d’ici à 2030. Crédits : Sanka Vidanagama / AFP
Autrement dit, il est logique de faire redescendre des objets quand on le peut. Mais dans ce cas, le satellite était particulièrement jeune : il a été lancé le 10 juillet 2023 et a cessé d’opérer dans le système Starlink le 20 février 2025, date à laquelle SpaceX a commencé à commander au satellite de descendre de l’orbite pour être détruit, raconte Jonathan McDowell.
« Vers le 19 juin, il a été éteint et l’atmosphère extérieure a continué à réduire l’orbite du satellite jusqu’au début du mois d’août », précise-t-il. Le satellite va alors entrer dans les parties les plus denses de l’atmosphère et commencer à descendre plus rapidement, continuant à tourner autour de la Terre « toutes les 90 minutes à 28 000 km/h, mais à une altitude légèrement inférieure à chaque fois », note l’astrophysicien.
« À ce stade, il est impossible de déterminer exactement quand et où il descendra suffisamment bas pour se désintégrer, ce qui s’est effectivement produit au-dessus de l’Espagne le 10 août », conclut-il.
Une interrogation demeure cependant : pourquoi le satellite a-t-il été retiré ? D’après l’industriel, la durée de vie d’un tel satellite serait de cinq ans. Mais ils ne dureraient en réalité que trois ans, avait estimé Eric Lagadec, un astrophysicien interviewé par actu.fr. Contacté, SpaceX n’a pas répondu à nos sollicitations.