Le 16 octobre, un homme se présentant sous le nom de Matthew Metro a publié sur X une vidéo dans laquelle il accuse son ancien enseignant, Tim Walz, actuel colistier de Kamala Harris, de l’avoir agressé sexuellement en 1997 alors qu’il était lycéen au Mankato West High School, dans le Minnesota. Cette vidéo est devenue rapidement virale, et a même été relayée par des personnalités influentes soutenant Donald Trump, comme la podcasteuse aux 5 millions d’abonnés, Candace Owens.

Sauf que le fameux Matthew Metro qui existe bel et bien a démenti les faits. Cette vidéo a probablement été générée par une IA. Et la méthode employée pointe le doigt vers un acteur en particulier : la Russie.

Une fausse vidéo ?

Dans la vidéo partagée sur les plateformes, différents éléments laissent perplexe : la tonalité robotique de la voix, l’absence de clignement de paupières ou encore un décalage de synchronisation entre la voix et le mouvement des lèvres. Le média NewsGuard qui a passé la vidéo dans des détecteurs d’intelligence artificielle estime qu’il y a des “preuves substantielles” que la vidéo a été manipulée.

D’après plusieurs chercheurs interrogés par l’AFP Factuel, la réponse n’est peut-être pas aussi tranchée. Ce pourrait être une vraie vidéo non retouchée par l’IA. “Je pense qu’il pourrait s’agir d’une personne réelle imitant une autre”, analyse Siwei Lyu, directeur du Media Forensic Lab à l’université de Buffalo.

Finalement la question de la manipulation de la vidéo par une intelligence artificielle est secondaire. Car, après plusieurs jours de débats sur la véracité de la vidéo sur les réseaux sociaux, le Washington Post a mis fin à la polémique en retrouvant la trace du vrai Matthew Metro.

Celui-ci a bel et bien été lycéen au Mankato West High School lorsque le colistier de Kamala Harris était professeur, mais il n’a jamais été dans sa classe et dément avoir été agressé par Tim Walz. Il annonce même voter pour les démocrates, Kamala Harris et son colistier, aux élections présidentielles.

Une forte suspicion d’ingérence russe

Très rapidement, des médias et des chercheurs, comme The Gnida Project, un groupe de bénévoles anonymes qui suivent les opérations d’influence russe, ont remarqué la similarité de la méthode employée avec celle de la propagande russe. Une organisation, alliée au Kremlin, est particulièrement visée : Storm-1516.

Selon une enquête menée par la NBC News, publiée le 16 octobre, ce groupe de propagande russe nommé “Storm-1516” par Microsoft, serait à l’origine d’au moins cinquante tentatives de déstabilisation de la campagne présidentielle américaine au profit des républicains, depuis l’automne 2023.

Plusieurs indices permettent de lier Storm-1516 à cette fausse vidéo. Un des canaux privilégiés par ce fameux réseau repose notamment sur l’utilisation d’une centaine de sites web qui publient de façon coordonnée de faux articles. Ces sites pourraient être coordonnés par un acteur bien connu de la désinformation lié à la Russie, John Dougan. “Avec l’aide d’outils d’intelligence artificielle disponibles dans le commerce, notamment ChatGPT et DALL-E 3 d’OpenAI, il a rempli les sites de dizaines de milliers d’articles, dont beaucoup sont basés sur des événements d’actualité réels”, écrit le New York Times dans un article qui lui est consacré.

Comme l’explique le centre d’analyse des menaces de Microsoft, une des méthodes employées par Storm-1516 consiste à partager un témoignage fictif dont « la vidéo est ensuite reprise par un réseau mondial de sites web apparemment non affiliés et gérés secrètement ».

Cette technique avait déjà été éprouvée fin août lorsque ce groupe avait été mis en cause dans une autre affaire de désinformation. Dans une vidéo, on voyait le témoignage d’une femme victime de paralysie, racontant que Kamala Harris l’aurait renversé en voiture en 2011, et aurait après pris la fuite. Cette vidéo a aussi été analysée par des chercheurs comme étant, soit générée par une IA, soit s’agissant d’une actrice payée.

Ces tentatives de déstabilisation de la Russie dans la campagne américaine, notamment envers Tim Walz, ont d’ailleurs été confirmées par les autorités américaines, le 23 octobre : “les acteurs de l’influence russe ont fabriqué et amplifié des contenus inauthentiques faisant état d’activités illégales commises par le candidat démocrate à la vice-présidence au cours de sa carrière antérieure”, révèle le Bureau du directeur du renseignement national.

Ce dernier soupçonne aussi que l’Iran et la Chine mèneront des opérations d’influence au cours de la période post-électorale.

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