Crédit : Massimiliano Mariani (CC 3.0 - Photo modifiée)

Cette liste Interpol des cinq Français les plus recherchés au monde n’existe pas

Création : 22 janvier 2025

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Hugo Guguen, juriste

Source : Compte Facebook, le 19 janvier 2025

Une liste de cinq personnes de nationalité française, soi-disant les plus recherchées au monde par Interpol, circule actuellement sur les réseaux sociaux. En réalité, ces noms font partie d’une base de données plus large, sans aucun ordre de priorité dans les enquêtes. Parmi les profils, l’un d’entre eux a d’ailleurs été retrouvé.

Ennemi public n°1, n°2, n°3… Une vidéo publiée sur TikTok, le 17 janvier et vue plus d’un million de fois, prétend énumérer les cinq principaux Français recherchés par Interpol, organisation internationale de police criminelle.

« INTERPOL nous dévoile la liste des cinq Français les plus recherchés du monde. On vous dit tout. En cinquième position, on retrouve Chibouni Wissem, originaire de Thonon-les-Bains, il est recherché pour tentative de meurtre […] », commence par lister l’auteur de la vidéo.

Et coïncidence, raillent des internautes en commentaires, ils ont tous des noms et des prénoms « d’origine étrangère ». « Pas beaucoup de Philippe, Éric, Thierry, Vincent, etc.!! »

En plus de Chibouni Wissem, figurent dans cette liste les profils de Kevin Kumbi Kimuina, Mohamed Amide Bajjou, Mamadou Sakho et celui de Mohamed Amra, connu pour son évasion de prison en mai 2024, qui a causé la mort de deux agents pénitenciers.

Si ces cinq personnes sont bien connues des bases de données d’Interpol, ils ne forment pas un cercle de criminels particuliers, plus dangereux et plus activement recherchés. Preuve que cette liste n’est pas officielle, l’un d’entre eux a même été retrouvé en juin 2024. Il s’agit de Mamadou Sakho, interpellé près de son domicile, dans les Yvelines.

« Il n’y a pas de ‘classement’ des notices »

Fait étonnant qu’on remarque avec une recherche Google des noms figurant dans la vidéo : des listes similaires, comprenant parfois 10 personnes, ont été publiées il y a de ça quelques mois. Il y a ces commentaires sous un article de RTL , ce post LinkedIn, ou encore une publication Threads. À chaque fois, il est question de « criminels les plus recherchés par INTERPOL », comme s’il existait un ordre de priorité dans les enquêtes.

Il semblerait que cette information se soit répandue une première fois en mai 2024, à la suite de l’évasion de Mohamed Amra le 14 mai, visé dans la foulée par une notice Interpol. Un article de CNews, mais aussi de nombreux internautes, ont relayé cette liste des « Français les plus recherchés », comme Mohamed Amra.

Contacté, le service de presse d’Interpol dément la véracité de ces informations, comme il l’avait fait pour un article similaire de nos confrères de CheckNews, concernant la liste des 10 criminels les plus recherchés.

« Les notices de différentes couleurs d’INTERPOL permettent aux pays de transmettre des alertes et des demandes d’informations dans le monde entier. INTERPOL les publie […]. Il n’y a pas de ‘classement’ de ces notices », tranche l’organisation internationale.

Parmi les notices rendues publiques par Interpol, les rouges correspondent aux individus recherchés. Dans cette catégorie figurent effectivement les profils de plusieurs hommes présentés dans la vidéo. En effectuant une recherche avec le critère de nationalité française sur le site de l’organisation, on obtient le profil de 50 personnes le 22 janvier. Parmi ces profils de Français activement recherchés, on retrouve effectivement celui de Mohamed Amra, mais aussi de Mohamed Amide Bajjou et Chibouni Wissem. Mais pas forcément en premier, comme le laisse entendre cette idée d’ordre de priorité.

En effectuant nous-mêmes cette recherche, nous obtenons d’abord les profils de Carlos Ghosn, ancien président de Nissan, accusé notamment d’abus de biens sociaux et de blanchiment, et un certain Antoine D., recherché pour viol. Pour rappel, le fait qu’ils apparaissent en premier ne signifie pas qu’ils sont recherchés de manière plus intensive.

Concernant Kevin Kumbi Kimuina, nous n’avons pas trouvé son profil parmi les notices rouges publiques d’Interpol. Interrogée à ce sujet, l’organisation indique que si la fiche d’une personne n’est plus trouvable, c’est « soit parce qu’aucune notice n’existe pour cette personne, soit parce qu’elle est à usage restreint ».

Un des profils de ces recherchés… finalement déjà arrêté ?

Contacté, l’auteur de la vidéo TikTok reconnaît une erreur et indique avoir supprimé la vidéo. « Aucun ordre n’est clairement donné par INTERPOL […] qui n’affiche pas les profils de la vidéo comme les ‘personnes les plus recherchées' », constate-t-il.

Enfin, contrairement à ce que laissent supposer les différentes fausses affirmations à ce sujet, ce n’est pas Interpol qui travaille à retrouver ces personnes, mais les forces de l’ordre des pays membres de l’organisation. « Le Secrétariat général d’INTERPOL ne mène pas d’enquêtes et n’arrête pas non plus les individus recherchés, ces opérations étant toujours effectuées par les services chargés de l’application de la loi du ou des pays concernés », précise le service presse de l’organisation dans son courriel.

 

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