Pierre de Coubertin, domaine public.

Jeux olympiques de Paris 2024 : la France va-t-elle interdire « tout signe religieux » ?

Création : 23 avril 2024

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Sasha Morsli Gauthier

Source : Compte Instagram, 11 avril 2024

Contrairement à ce qu’affirme un post déjà vu des centaines de milliers de fois sur Instagram, la France ne souhaite pas interdire les signes religieux pour les Jeux olympiques et paralympiques de cet été.

À chaque Jeux olympiques et paralympiques, ses polémiques. L’événement sportif par excellence, organisé cet été à Paris, n’échappe pas à son lot de fausses nouvelles. Selon certains utilisateurs d’Instagram, l’État profiterait de cette compétition internationale pour « interdire tout signe religieux pour les Jeux olympiques 2024. »

Un sujet sensible dans un pays laïque qui voit régulièrement les débats se cristalliser sur la question du port de signes religieux et plus particulièrement du hijab. « C’est une décision scandaleuse qui va à l’encontre de nos valeurs et de notre histoire« , se révolte l’internaute, estimant que la France est un « pays chrétien. »

Pour appuyer son argumentaire, il relaie un extrait vidéo du discours du ministre des Affaires étrangères italien, Antonio Tajani, du 7 mars 2024, lors du congrès du Parti populaire européen (PPE) à Bucarest. « Ce n’est pas une bonne idée d’effacer la croix des Invalides« , y clame l’ancien président du Parlement européen en référence à l’affiche des Jeux olympiques sévèrement critiquée par la droite et l’extrême droite.

La France aurait-t-elle un problème avec les signes religieux ? En réalité, ces argumentaires qui dénoncent une forme de censure, en particulier des symboles chrétiens, ne résistent pas à la réalité des faits.

Les règles des Jeux

En effet, dans sa publication sur le réseau social, l’internaute omet de préciser des informations essentielles quant à la réglementation des Jeux olympiques. Parmi elles, la plus élémentaire concerne l’autorité organisatrice des JO.

Ce n’est pas la France, en tant qu’État, qui a la charge de l’événement, mais le Comité d’organisation des Jeux olympiques (COJO). Ce dernier est lui-même soumis à la Charte olympique édictée par Comité international olympique, la plus haute instance des Jeux.

Sur la question du port de signes religieux, la Charte ne précise pas de règle spécifique. Seul l’article 50 dispose qu’ »aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »

Contacté par Les Surligneurs, le comité organisateur précise qu’ »en dehors de ce cas précis, ce sont les fédérations internationales qui ont la prérogative d’autoriser ou pas des signes ou tenues, sur des critères de sécurité et de santé des athlètes. »

Débat houleux

Ainsi, en théorie, chaque fédération sportive est libre d’autoriser ou non le port de signes religieux. En France, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a fait savoir, en octobre 2023, que les athlètes françaises ne pourraient pas porter le voile, évoquant la « neutralité absolue du service public. » Une décision critiquée quelques jours plus tard par l’ONU.

D’autres fédérations internationales ont fait des choix différents lors des précédentes éditions, provoquant parfois de vifs débats. À Rio, en 2016, Ibtihaj Muhammad est la première athlète américaine portant le hijab à faire son entrée aux Jeux olympiques.

Institution privée

Ainsi, ni le président de la République, ni le Gouvernement français ne peuvent décider d’interdire le port de signes religieux pour l’ensemble des Jeux olympiques. « Le Comité international olympique (CIO) est une institution internationale privée, totalement indépendante des États. C’est à cette institution que revient la compétence concernant l’appréciation d’une éventuelle atteinte au respect des principes de la Charte olympique« , précisait d’ailleurs le ministère des Sports dans une réponse adressée en décembre 2022 à la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (Les Républicains) qui s’interrogeait sur de possibles atteintes à la laïcité pendant l’événement.

Mais plus que les règles entourant les signes religieux durant les Jeux olympiques, l’affiche de l’événement a également été critiquée, accusée d’invisibiliser des symboles chrétiens.

Liberté artistique

Le sujet a d’ailleurs enflammé le milieu médiatico-politique au mois de mars 2024. Peu après la présentation de la nouvelle affiche, les critiques ont fusé sur l’œuvre réalisée par l’artiste italien Ugo Gattoni.

Parmi les principales accusations : le choix de l’artiste de ne pas faire apparaître la croix installée au sommet du dôme des Invalides.

L’affiche officielle des Jeux olympiques 2024 à Paris.

 

Comme l’ont déjà raconté nos confrères de Checknews, le Comité d’organisation des Jeux olympiques se défend d’être intervenu auprès de l’artiste pour lui interdire une représentation de la croix : « La création des Affiches est un exercice libre pour chaque Comité d’organisation : les seuls impératifs du cahier des charges du CIO sont la présence du logo de l’édition, le numéro de l’Olympiade ainsi que les dates des Jeux« , explique par mail aux Surligneurs la communication du COJO.

L’artiste a également pris la parole pour démentir tout acte politique : « À travers mon dessin des affiches officielles, je ne cherche pas à représenter les objets ou bâtiments de manière conforme. Je les évoque, tels qu’ils m’apparaissent à l’esprit et sans arrière-pensées. Je ne cherche pas à ce qu’ils soient fidèles à l’original, mais plutôt qu’on puisse se figurer en un clin d’œil de quoi il s’agit, tout en le projetant dans un univers surréaliste et festif« , ont rapporté nos confrères de Libération.

Ainsi, il n’existe aucune trace d’une éventuelle volonté de masquer les symboles chrétiens, comme le suggère le ministre italien. Concernant l’interdiction des signes religieux pendant les JO, l’affirmation est tout bonnement fausse.

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