« Cela reste un objectif » : Jordan Bardella veut toujours interdire le voile dans la sphère publique

Création : 20 juin 2024
Dernière modification : 26 juin 2024

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public

Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Source : BFMTV, 17 juin 2024

Interdire le voile dans l’espace public serait considéré comme une mesure disproportionnée à la liberté de conscience, sauf à trouver un motif suffisant d’ordre public affiché dans la loi. Il faut demander des précisions au RN.

Une des mesures phare du programme du Rassemblement national, l’interdiction du voile dans l’espace public a souvent été un cheval de bataille de candidats que nous avons surlignés, comme Marine Le Pen ou Michel Barnier. Jordan Bardella, bien qu’il ait repoussé la mise en place de cette interdiction, la maintient dans son programme. Jean-Philippe Tanguy l’a d’ailleurs rappelé sur le plateau de LCI ce mercredi 19 juin (2h31). La pédagogie étant l’art de la répétition, nous devons réaffirmer qu’une telle mesure rencontrerait bien des obstacles juridiques, au niveau national comme européen.

Restreindre une liberté pour des motifs d’ordre public

Le Conseil constitutionnel a estimé en 2010 que des limitations au port d’un signe religieux dans l’espace public ne peuvent être motivées que par des impératifs d’ordre public, et de manière proportionnée en se fondant sur l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi« . C’est pourquoi, dans la même décision, le Conseil a validé une loi interdisant le voile dit « intégral » dans l’espace public, en raison de risques pour la sécurité publique et d’exclusion sociale des femmes ainsi voilées.

Il en est de même pour la Cour européenne des droits de l’homme qui en 2009 a admis de telles restrictions au nom de la « protection des droits d’autrui et de l’ordre public » en se fondant sur l’article 9 de la Convention EDH. L’article 10 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit les mêmes garanties de sauvegarde de la liberté de conscience.

Dans le même sens, les fameux arrêtés anti-burkini de Nice avaient été annulés par le Conseil d’État en 2016 au motif qu’en l’absence de motif d’ordre public (en l’occurrence la salubrité publique), l’interdiction du burkini portait une atteinte manifestement disproportionnée à la liberté religieuse. Toutes ces juridictions exigent un motif d’ordre public pour interdire les signes religieux sur l’espace public.

En l’état actuel de la jurisprudence de l’ensemble des juridictions, on ne voit pas comment une telle mesure pourrait passer, même en modifiant la Constitution, et sauf à sortir du Conseil de l’Europe. À moins de trouver un motif d’ordre public suffisant : il faut donc poser la question au Rassemblement National.

Cet article a été écrit à l’aide de la base de données Pluralisme.fr qui recense les discours de plus de 1400 personnalités politiques et publiques françaises.

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