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Ce que l’on sait d’un naufrage d’un navire russe au large de l’Espagne et de la responsabilité de marins norvégiens dans le secours de l’équipage

Création : 2 janvier 2025

Autrice : Lili Pillot, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte Facebook, le 27 décembre 2024

Après le naufrage d’un navire russe dans les eaux espagnoles, la Russie accuse des marins norvégiens de ne pas avoir secouru l’équipage. Une version rejetée par la compagnie du bateau norvégien, qui assure qu’une équipe de sauvetage espagnole était déjà en route.

Des marins norvégiens feraient-ils preuve de manque d’humanité au point de laisser périr en mer 14 de leurs homologues russes au nom des sanctions états-uniennes qui frappent la Russie ? Selon Moscou, il n’en fait aucun doute.

Alors qu’un navire russe, l’Ursa Major, était en train de couler le 23 décembre dernier dans les eaux méditerranéennes entre l’Espagne et l’Algérie, le bateau norvégien Oslo Carrier 3 aurait délibérément refusé de prendre à son bord l’équipage russe en détresse.

« Imaginez la scène : des hommes grelottants, implorant de monter à bord, tandis qu’à la proue de l’Oslo Carrier 3, un capitaine norvégien, lunettes sur le nez, consulte un manuel pour décider si ces misérables valent la peine d’être sauvés. ‘Russes ? Non, désolé, sanctions obligent. Revenez avec un autre passeport.' », s’insurgent plusieurs internautes sur les réseaux sociaux, reprenant ainsi la version des autorités russes.

Le 27 décembre, quelques jours après l’incident, le vice-président du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev écrivait sur son compte Telegram : « Le navire Oslo Carrier 3, battant pavillon norvégien, a refusé de prendre à son bord les marins russes de l’Ursa Major qui se sont noyés en Méditerranée. Avez-vous besoin de plus d’explications ? C’est impardonnable ! ».

Une version corroborée par la compagnie maritime qui exploitait l’Ursa Major, Oboronlogistics. « Le bateau s’est dirigé vers le navire battant pavillon norvégien Oslo Carrier 3, qui se trouvait à proximité. Lorsque le canot de sauvetage s’est approché du bord, ce navire (dont une partie de l’équipage était russophone) a refusé d’accueillir les membres de l’équipage de l’Ursa Major, invoquant une certaine interdiction. Cette circonstance constitue une violation flagrante de l’article 10 de la Convention internationale sur l’assistance de 1989  », écrit la société russe, qui dépend du ministère de la Défense russe, dans un communiqué de presse.

La compagnie évoque même un naufrage dû à un « acte terroriste », sans donner de détails sur les potentiels responsables et leurs motivations. Mais une autre version de l’incident circule également. D’après la compagnie exploitant le navire norvégien, sa flotte n’est pas intervenue, car le Centre de coordination des secours maritimes de Carthagène lui en avait donné l’ordre.

La compagnie norvégienne dément tout refus d’aide

La réponse côté Norvège ne s’est pas fait attendre. Vendredi 27 décembre, quelques heures après les accusations de Dmitri Medvedev et d’Oboronlogistics, la compagnie de l’Oslo Carrier 3 a répondu dans un communiqué de presse.

« L’opération de sauvetage a été menée par le Centre de coordination des secours maritimes de Carthagène, qui est responsable de ce type d’opérations dans cette zone. Le MRCC [Maritime Rescue Coordinating Center, soit Centre de coordination des secours maritimes en français, ndlr] a ordonné au capitaine de ne pas prendre à bord l’équipage du navire en détresse, car leur bateau de sauvetage était en route vers les lieux. Entre-temps, le canot de sauvetage a été amarré le long de notre navire jusqu’à l’arrivée du bateau de sauvetage », se justifie la compagnie Oslo Bulk.

Cette version aurait été confirmée par les autorités maritimes espagnoles, selon le média espagnol La Verdad. Elle a même été reprise par l’agence de presse russe Tass, financée par le Kremlin. « Le centre de coordination espagnol ordonne au capitaine norvégien de ne pas prendre les marins de l’Ursa Major », titrait le média d’État russe le 27 décembre.

Plusieurs articles de presse, comme ici ou , reprenant les éléments de communication des secours en mer espagnols, ajoutent que deux autres navires —  le Salvamar Draco et le Clara Campoamor —  et un hélicoptère étaient déjà en route pour secourir l’équipage. Parmi les 16 membres de l’équipage initiale, 14 ont été rapatriés à Carthagène et pris en charge par la Croix Rouge. Deux autres sont encore portés disparus, selon les dernières informations disponibles.

Selon RFI Espagne, les sauveteurs espagnols avaient reçu un « appel d’avertissement » de la part du navire russe dans la matinée du lundi 23 décembre, quand celui-ci se situait à environ 105 km au large d’Almería, dans de « mauvaises conditions météorologiques ».

Un bateau sous sanctions états-uniennes

L’Ursa Major n’est pas n’importe quel bateau russe. Comme le Sparta, qui appartient également à la flotte d’Oboronlogistics, il fait l’objet de sanctions états-uniennes depuis mai 2022.

La compagnie maritime russe qui exploitait les deux bateaux est l’unique fournisseur de services de transport pour le ministère russe de la Défense. Oboronlogistics transporte donc sur ses navires des troupes dans certaines régions de la Russie et livre des marchandises en Crimée, territoire ukrainien occupé par la Russie depuis 2014, selon sa fiche sur le site en sources ouvertes OpenSanctions.org.

Comme l’indiquent les données disponibles en sources ouvertes et un communiqué de presse d’Oboronlogistics, l’Ursa Major avait pour destination Vladivostok, ville située à l’est de la Russie, au-dessus des deux Corées. En l’état actuel des choses, rien ne permet d’affirmer que l’équipage norvégien a délibérément choisi de ne pas secourir les marins russes.

 

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