Bruno Retailleau a-t-il raison d’affirmer qu’une banderole “Free Palestine” est interdite pendant un match de Ligue des champions ?
Dernière modification : 15 novembre 2024
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, université Paris-Saclay
Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte X de Bruno Retailleau, le 7 novembre 2024
Bruno Retailleau n’a pas tort sur le fait que le règlement de l’UEFA interdit bien les messages politiques, tels qu’un tifo “Free Palestine”. Toutefois, le conseil disciplinaire de l’UEFA ne peut être saisi qu’en cas de “message provocateur”.
Bruno Retailleau revient pour une deuxième mi-temps ! Après s’être insurgé contre les chants homophobes dans les stades, le locataire de la Place Beauvau tacle désormais les banderoles brandies par les supporters.
Lors d’un match de Ligue des champions de l’UEFA le 6 novembre 2024, le Collectif ultras Paris a déroulé au Parc des Princes un tifo avec le message “Free Palestine”. L’immense toile était accompagnée d’une banderole sur laquelle est écrit : “La guerre sur le terrain mais la paix dans le monde”.
Le ministre de l’Intérieur a immédiatement condamné le message de soutien sur son compte X. “Ce tifo n’avait pas sa place dans ce stade, et de tels messages sont d’ailleurs proscrits par les règlements de la Ligue et de l’UEFA”, déclare-t-il. “Je demande des comptes [au club]”, a-t-il encore appuyé sur Sud Radio.
Messages politiques interdits
Rappelons tout d’abord que Bruno Retailleau commet une petite imprécision. Le match auquel il fait référence était encadré par l’UEFA puisqu’elle est l’autorité organisatrice de la Ligue des champions. Ainsi, la LFP n’a rien à voir avec ce match.
En revanche, le ministre de l’Intérieur dit vrai au sujet du règlement de l’UEFA. En vertu de l’article 16 de son règlement disciplinaire, est interdit tout message “de nature politique, idéologique, religieuse” dans les stades.
De plus, l’article 44 du règlement de l’UEFA sur la sûreté et la sécurité interdit strictement “la diffusion ou la promotion de messages politiques par quelque moyen que ce soit ainsi que toute autre forme d’action politique à l’intérieur […] du stade”, et ce, “avant, pendant et après le match”.
Appréciation au cas par cas
Pourtant, l’UEFA a annoncé le 7 novembre 2024 qu’elle n’engagera aucune procédure contre le Paris Saint-Germain pour ce message pro-palestinien. “Il n’y aura pas de cas disciplinaire puisque la banderole déployée ne peut pas être considérée comme provocatrice ou insultante dans ce cas précis”, a déclaré son porte-parole à l’AFP.
En effet, l’article 16 du règlement disciplinaire de l’UEFA souligne que les cas disciplinaires ne peuvent être ouverts que sur la base de “message provocateur inadapté à un événement sportif, notamment de tout message provocateur de nature politique, idéologique, religieuse ou insultante”.
L’article 24 du même texte précise quant à lui que l’instance disciplinaire est chargée de juger si les messages politiques sont provocateurs ou offensants. Une décision fondée sur des faits concrets que l’instance apprécie au cas par cas.
Ainsi, l’UEFA avait ouvert un cas disciplinaire contre le club parisien en octobre 2022 lorsque les membres du Collectif ultras Paris avaient déroulé une banderole “Gaza existe, Gaza résiste, Free Palestine”, lors d’un match face au club israélien du Maccabi Haïfa.
Idem en octobre 2023 lorsque des drapeaux palestiniens avaient été sortis lors d’une rencontre contre l’AC Milan. À l’époque, ces procédures n’avaient pas débouché sur une sanction.
En revanche, le club du Celtic Glasgow a été sanctionné à l’automne 2023 par une amende de 17 500 euros. Lors d’un match face à l’Atlético de Madrid, les supporters écossais avaient brandi un drapeau du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), au milieu de centaines de drapeaux palestiniens.
Un message jugé “provocateur de nature offensante” selon l’UEFA, le FPLP étant inscrit comme une organisation terroriste par l’Union européenne.
En d’autres termes, le règlement de l’UEFA interdit les messages politiques dans les stades. Mais ce même règlement ne prévoit l’ouverture d’une procédure disciplinaire (qui peut entraîner une sanction) qu’en raison d’un message provocant ou offensant.
Un règlement français plus strict
En revanche, si la même banderole avait été déployée lors d’un match du Championnat de France, les supporters parisiens auraient pu faire l’objet de sanctions. Les règlements de la LFP interdisent explicitement de brandir une banderole à caractère politique.
L’article 542 du règlement des compétitions liste explicitement les objets qui peuvent conduire à une interdiction d’accès au stade. Parmi ces derniers, sont notamment interdits : “banderoles, insignes, badges, tracts ou tout autre support dont l’objet est d’être vus par des tiers à des fins politiques, idéologiques, philosophiques”.
Une banderole “Free Palestine”, pouvant être considérée comme politique, aurait pu être interdite et le PSG aurait éventuellement pu faire l’objet d’une amende, comme le précise le barème disciplinaire.
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