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Bill Gates, lors du Bloomberg Philanthropies Global Forum 2025 à l'hôtel Plaza, le 24 septembre 2025 à New York. (Photo : Bryan Bedder / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / Getty Images via AFP)

Bill Gates, Albert Bourla et Klaus Schwab sont-ils accusés de génocide et de crimes contre l’humanité aux Pays-Bas ?

Création : 29 septembre 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste 

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

Source : Compte X, le 5 septembre 2025

Des internautes affirment que l’entrepreneur, Bill Gates, le directeur général de Pfizer, Albert Bourla et le fondateur du Forum économique mondial, Klaus Schwab, seraient accusés de génocide et de crimes contre l’humanité aux Pays-Bas. C’est faux, ces accusations n’ont actuellement aucune réalité juridique.

Les médias passeraient-ils sous silence un procès historique ? Selon certains internautes, « Bill Gates, Albert Bourla et Klaus Schwab [seraient] accusés de génocide et de crimes contre l’humanité dans une affaire historique aux Pays-Bas ».

À Leeuwarden, au nord du pays, l’entrepreneur états-unien, le directeur général de Pfizer et le fondateur du Forum économique mondial feraient face à « 146 éléments de preuve — allant d’autopsies à des contrats secrets — [qui] sont désormais devant le tribunal ». De quoi déclencher, selon eux, un procès « historique », à l’image de celui de Nuremberg. Celui-ci avait permis, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, de juger de hauts responsables nazis.

Mais, contrairement à ce qu’affirment certains internautes, Bill Gates, Albert Bourla et Klaus Schwab ne sont pas inculpés de génocide ni de crimes contre l’humanité aux Pays-Bas. Il s’agit d’une procédure civile initiée par des particuliers, et non d’un procès pénal.

Les termes « génocide » et « crimes contre l’humanité » n’apparaissent dans aucun jugement. Ils proviennent uniquement de l’interprétation des plaignants et de leurs avocats. Explications.

Un épidémiologiste contesté

Pour appuyer leurs propos, la plupart des internautes relayant l’information renvoient à une vidéo partagée par Nicolas Hulscher. Ce dernier, qui se présente sur X comme un épidémiologiste, a déjà partagé des affirmations trompeuses sur la vaccination. Un de ses articles avait ainsi fait l’objet d’une rétractation suite aux critiques de certains chercheurs quant à la méthodologie employée.

Dans la vidéo en question, il affirme que « cette affaire judiciaire récente est enfin une manifestation de ce qu’il [Bill Gates, ndlr] mérite ». En illustration, la vidéo présente un document ressemblant à une décision judiciaire. Après quelques recherches, Les Surligneurs ont retrouvé ledit document. Et ce dernier date… d’octobre 2024.

Ce document n’atteste donc pas d’un procès historique, mais d’une procédure déjà entamée depuis un an. Elle trouve son origine dans une plainte déposée par sept Néerlandais.

Une plainte déposée par sept personnes

Tout commence par une plainte déposée par sept citoyens néerlandais. Ces derniers arguent que Bill Gates, Albert Bourla et Klaus Schwab, entre autres, les ont délibérément trompés en les poussant à se faire vacciner contre le Covid-19 alors que ces injections n’étaient, selon eux, pas sûres et efficaces.

Dans le détail, les plaignants affirment qu’ils ont été induits en erreur « dans le cadre de la mise en œuvre du projet Covid 19 : la Grande Réinitialisation [The Great Reset, en anglais, ndlr], afin qu’ils se fassent administrer des injections contre le Covid-19 », peut-on lire dans la décision.

Cette théorie du « Great Reset » tire son origine d’un livre de Klaus Schwab, où le fondateur du Forum économique mondial analyse que la pandémie de Covid-19 pourrait conduire à des changements importants de société. Mais dans la sphère complotiste, le constat est autre.

Ce « Great Reset » s’assimilerait, selon un communiqué de presse d’un avocat desdits plaignants, à un génocide. Dans cette théorie du complot, les vaccins seraient ainsi des armes biologiques pour arriver à cette fin.

Pour les plaignants, ils auraient donc été induits en erreur dans un but génocidaire. Mais cette accusation n’est que le fruit de leur interprétation. Elle n’a, selon les recherches des Surligneurs, conduit à aucune instruction ou décision sur le sujet.

Face à ces accusations, Bill Gates a fait valoir qu’en tant que citoyen états-unien, le tribunal néerlandais n’était pas compétent pour traiter de cette affaire.

Mais le 16 octobre 2024, le tribunal lui a donné tort en confirmant sa compétence. Cette décision, qui est disponible ici en néerlandais et ici en anglais, est bien celle qui est présentée dans la vidéo partagée par l’épidémiologiste Nicolas Hulscher, en ce mois de septembre 2025.

Aucune décision sur le fond

Mais, comme le souligne Remme Verkerk, professeur à l’université d’Utrecht et spécialisé en droit privé, ce document « ne contient aucune décision sur le fond ». Autrement dit : le juge s’est simplement intéressé à la question de sa propre compétence pour juger une affaire de supposée tromperie. Rien concernant de prétendus génocides ou crimes contre l’humanité.

Par ailleurs, la décision ne fait ni mention de ces qualifications pénales ni même des « 146 éléments de preuves » avancés par les internautes.

Depuis cette décision, aucun nouvel élément majeur n’a été arrêté par une quelconque juridiction néerlandaise. Le dernier épisode en date, mineur, semble remonter au 20 août 2025. Une demande concernant une procédure d’audition de témoins portée par l’accusation avait été « rejetée pour des raisons techniques d’ordre juridique (à savoir qu’elle était prématurée) », explique Remme Verkerk, avant d’ajouter que le jugement ne contient, là encore, « aucune décision sur le fond ».

Cette fois, les termes de « génocide » et de « crimes contre l’humanité » y apparaissent mais uniquement pour citer les arguments des plaignants. La justice néerlandaise ne les reprend pas à son compte et ne les reconnaît donc en aucune manière.

Pour l’heure, ces accusations de génocide ou de crime contre l’humanité n’ont aucune réalité juridique. Il est donc pour le moins trompeur de présenter cette affaire comme « historique », à l’image du procès de Nuremberg.