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Scan aux rayons X d'une poupée identique à des spécimens humanoïdes présentés, en 2023 devant le Parlement mexicain, comme des momies extraterrestres par le journaliste Jaime Flota. Crédits : Cris Bouroncle / AFP

Aucune momie extraterrestre n’a été découverte dans le monde

Création : 3 octobre 2025

Auteur : Nicolas Turcev, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste

Source : Compte Facebook, le 28 juin 2025

Plusieurs publications sur les réseaux sociaux affirment que des corps embaumés découverts à divers endroits du globe pourraient appartenir à des aliens. Aucune donnée scientifique ne corrobore ces rumeurs.

Les signes de l’existence d’une vie extraterrestre seraient-ils disséminés sur Terre plutôt que dans l’espace ? D’après plusieurs internautes, cela ne fait pas de doute : les aliens ont atterri sur la planète bleue il y a bien longtemps. La preuve : des momies découvertes à divers endroits du globe présenteraient des attributs trop anormaux pour avoir appartenues à l’espèce humaine.

Un utilisateur de Facebook affirme, par exemple, qu’une momie « vieille de 1000 ans a été découverte, dont l’analyse ADN a révélé qu’elle est composée à 70 % de gènes non humains ». De quoi, selon cet internaute, « soulever des questions sur l’origine extraterrestre de la créature dont les restes ont été trouvés ».

La publication est accompagnée d’une vidéo montrant un petit corps blanchâtre et luisant installé, semble-t-il, dans un caisson d’exposition. Les Surligneurs n’ont pu trouver aucune trace d’un tel spécimen dans les collections ou les galeries de musées, ni dans aucune étude ou documentation officielle. La page Facebook en question relaie régulièrement de la désinformation, ainsi que des vidéos générées par ordinateur ou avec l’intelligence artificielle.

Le récit de l’internaute correspond, lui, aux théories d’un ufologue mexicain, Jaime Maussan Flota, déjà épinglé pour avoir répandu de fausses informations. En septembre 2023, ce journaliste fasciné par les OVNI est entendu par la Chambre des députés dans le cadre d’une audition parlementaire portant sur l’existence des aliens. Mais il ne vient pas seul.

Des poupées à trois doigts au parlement mexicain

Au beau milieu du palais San Lanzàro de Mexico, Jaime Flota révèle deux spécimens soi-disant momifiés avec des yeux obliques en amande et des mains à trois doigts. Le journaliste soutient face aux députés qu’il s’agit de momies extraterrestres vieilles de 1 000 ans, prétendument découvertes au Pérou, près des lignes Nazca, du nom de ces grandes figures tracées dans le sol par des peuples antérieurs aux Incas. Diffusées dans le monde entier, les images de ces corps alimentent depuis de nombreuses spéculations sur les réseaux sociaux.

Les « momies extraterrestres » de Jaime Flota présentées lors d’une audition au Parlement mexicain, le 12 septembre 2023. Crédits : capture d’écran de la retransmission de la Chambre des députés mexicaine.

 

Mais des tests ADN et de datation au carbone 14 réalisés sur un autre spécimen en la possession de Jaime Flota ont révélé l’origine terrienne de ces « individus », comme le précisait Reuters. Les résultats des analyses conduites « ne montrent rien de mystérieux qui pourrait indiquer la présence de composants nécessaires à la vie qui n’existent pas sur Terre », a déclaré à l’agence de presse l’astrophysicienne mexicaine Julieta Fiero, qui a analysé un échantillon fourni par Jaime Flota en 2017.

Quelques mois après la présentation de Jaime Flota, la supercherie semble se confirmer. En janvier 2024, les autorités péruviennes, agacées par le fait que l’ufologue pourrait s’être approprié des artefacts archéologiques nationaux, tiennent une conférence de presse. Deux petits corps quasiment identiques à ceux exhibés au parlement mexicain sont présentés aux médias.

Ces spécimens auraient été interceptés en octobre 2023 à l’aéroport de Lima, peu avant qu’ils ne soient chargés sur un avion à destination du Mexique. Et quelques jours seulement avant une nouvelle audition de Jaime Flota par les députés à Mexico.

Les autorités ne précisent pas si l’ufologue était le destinataire de la cargaison. En revanche, des tests conduits à la demande du ministère de la Culture et du parquet révèlent que les deux corps réquisitionnés sont des poupées faites à partir d’os de chameaux, de laine et de glue, entre autres. Et non des aliens ancestraux.

Ces conclusions rejoignent celles d’un précédent rapport, paru en 2017, lors de la première apparition médiatique de ces momies extraterrestres à trois doigts.

À l’époque, les médias locaux péruviens et certains internautes se passionnent pour cette prétendue découverte, promue sur la chaîne du youtubeur German Paul Ronceros – un habitant de la région de Nazca, qui s’est, le premier, retrouvé en possession des momies. Suspectant de possibles atteintes au patrimoine local, la justice contraint Paul Ronceros à remettre les échantillons en sa possession au bureau du procureur pour analyse.

Les résultats de l’enquête, conduite par l’archéologue Flavio Estrada, sont implacables : les prétendues momies extraterrestres de Nazca « sont des poupées fabriquées récemment, couvertes avec un mélange de papier et de glue synthétique pour simuler la peau. […] Des os d’animaux ont été altérés pour créer une forme humanoïde qui compose la structure de la poupée. Tous les éléments analysés ont clairement et évidemment été fabriqués par des humains […]. »

Un squelette d’enfant au crâne allongé

Même pays, mais pas la même momie : un internaute croit lui aussi avoir repéré une trace de vie extraterrestre au Pérou, vidéo du spécimen à l’appui. Cet utilisateur relaie la trouvaille faite, en 2009, par un anthropologue amateur du nom de Renato Davila Riquelme, qui affirme avoir fait une rencontre du troisième type.

Selon son récit, il serait tombé sur une momie inhabituelle dans une montagne sacrée de la cordillère des Andes, le mont Wiraqucha. La dépouille est dotée d’un large crâne, « presque aussi grand » que son corps, qui pourrait être celui d’un enfant, auprès duquel reposait d’autres restes plus éparses – possiblement ceux d’un fœtus.

Le spécimen trouvé par Renato Davila, exposé au musée des rites andins à Andahuaylillas, au Pérou. Crédits : capture d’écran Facebook

 

Pour le chercheur amateur, la présence, sur le crâne de la première momie, d’une fontanelle encore ouverte – une membrane souple entourant le cerveau, caractéristique des nouveau-nés – ne coïncide pas avec sa taille exagérée, ni avec la présence de molaires, qui poussent vers l’âge de six ans chez l’homme.

L’aspect étrange de la dépouille prouverait qu’« une forme de vie extraterrestre » a un jour croisé le chemin des peuples andins, expliquait Renato Davila, en 2011, sur une radio péruvienne. Plusieurs « médecins » lui auraient même confirmé que le squelette ne pouvait pas être d’origine humaine. Il expose depuis sa trouvaille aux touristes de passage dans son Musée des rites andins, à Andahuaylillas. Contacté, le musée n’avait pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication.

Depuis plus de dix ans, l’alien au crâne allongé de Renato Davila est régulièrement brandi comme la possible preuve d’un contact avec une forme de vie venue d’ailleurs. Pourtant, quelques jours à peine après que la presse péruvienne se soit saisie du sujet, les analyses menées par le département culturel de la région de Cuzco sur les dépouilles ont fermement démenti la thèse extraterrestre.

Pour l’anthropologue Elva Torres, en charge de l’enquête, les squelettes de Wiraqucha sont ceux d’enfants de l’époque pré-hispanique, ainsi que l’ont relayé la RPP et l’agence Andina. D’après les relevés dentaires, l’enfant le mieux préservé était âgé de trois à quatre ans au moment de sa mort. Le développement des molaires, qui étaient en cours d’éruption, ne présente pas d’anomalie particulière, a observé la spécialiste.

Les attributs du crâne ne disqualifient pas non plus une origine humaine, selon les analyses des autorités péruviennes. La fontanelle, bien qu’ouverte, était sur le point de se résorber, un processus qui peut prendre un certain temps et dépend de plusieurs facteurs, précise le rapport d’Elva Torres. Enfin, la taille exagérée du crâne et des orbites oculaires est très certainement imputable à un rite d’élongation crânien caractéristique de certains peuples pré-hispaniques des Andes, dont on trouve plusieurs traces sur la dépouille.

Le deuxième spécimen récolté par Renato Davila serait quant à lui un nouveau-né, âgé de zéro à un an, dont seule une partie du crâne a été recueillie. Là encore, aucune trace de vie extraterrestre n’a été décelée.

La belle et le baron

Selon une troisième rumeur, des momies d’aliens auraient été découvertes à Kyiv, en Ukraine. Seul hic, les photos qui accompagnent la publication montrent des dépouilles déjà identifiées qui n’ont pas été découvertes dans cette région, ou bien présentent des indices de retouches.

Le photomontage posté par un internaute censé illustrer l’existence de momies extraterrestres retrouvées à Kyiv. Crédits : capture d’écran Facebook.

 

Le premier cliché est celui du corps de la « Beauté de Loulan » ou « Belle de Loulan », nommée ainsi en raison de son état de préservation exceptionnel. Elle fait partie d’une série de dépouilles datant de l’âge de Bronze trouvées dans le bassin du Tarim, sur le territoire de la région autonome du Xinjiang, en Chine. Leur découverte a révélé l’implantation précoce des peuples caucasiens à l’Est du continent eurasiatique. D’après les archéologues, la Belle de Loulan aurait vécu aux alentours de 1 800 ans avant notre ère.

La seconde photographie montre la momie dite du « Baron von Holz », un spécimen bien plus récent. Il s’agit du corps momifié d’un aristocrate allemand qui a vécu au XVIIe siècle. Ses restes ont été retrouvés dans la crypte d’un château situé en Bavière. Depuis 2008, la dépouille fait partie de l’exposition itinérante « Momies du monde », présentée dans divers musées états-uniens et européens. Elle a récemment installé ses quartiers au musée d’Idaho, à Idaho Falls, aux États-Unis.

La dernière photo représente une momie entourée de fines lanières, installée dans un caisson d’exposition. Les recherches effectuées par Les Surligneurs ne renvoient vers aucun spécimen connu ou exposé au public lui ressemblant. Et pour cause, il est probable que le cliché soit un faux.

L’image apparaît pour la première fois en juin 2023 sur des plateformes de ventes de photos sous le titre « Les fameuses momies bruxelloises ». Contacté, le musée Art et histoire de Bruxelles, le seul de la capitale belge à disposer d’une collection de momies, affirme que cette pièce n’y figure pas.

Par ailleurs, plusieurs détails indiquent que la photo est probablement altérée ou générée numériquement : la main droite de la momie compte six doigts, les bandelettes qui entourent le corps fusionnent à certains endroits sans logique apparente, et la vitre arrière du caisson reflète un tracé blanc en angle droit dont l’origine est difficile à identifier. Différents outils de détection d’IA, comme SightEngine, confirment que le cliché est probablement une fabrication.

Autrement dit, aucune momie extraterrestre n’a été exhumée à Kyiv, pas plus qu’au Pérou ni même ailleurs dans le monde. A ce jour, aucune trace de l’existence d’une forme de vie intelligente extraterrestre n’a été découverte. Il est même probable que ce ne soit pas pour tout de suite. Une récente étude suggère que, si une telle civilisation alien existait, elle se situerait à un minimum de 33 000 années lumières de notre planète.