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Image d'illustration. CC0 Domaine public.

Attention à cette fausse liste de mesures censées entrer en vigueur au 1er juin 2025

Création : 31 mars 2025

Auteur : Nicolas Turcev, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W

Source : Compte Facebook, le 25 mars 2025

Une vidéo virale annonce plusieurs nouvelles mesures censées entrer en vigueur prochainement : taxe sur les chiens, uniformes obligatoires à l’école, gratuité des trains pour les jeunes. Problème : tout est faux.

Après la fausse rumeur d’une taxe sur les animaux de compagnie, plusieurs nouvelles mesures entreraient en vigueur dès le 1ᵉʳ juin 2025, à en croire de nombreux internautes.

Uniformes obligatoires à l’école primaire, billets de train gratuits pour les moins de 25 ans, et bien d’autres mesures qui, sur le papier, pourraient sembler crédibles. Les publications sont accompagnées d’une vidéo sur laquelle une voix off égraine ces « nouvelles lois surprenantes », au nombre de cinq. Pourtant, aucune d’entre elles n’existe.

La gratuité des billets de train régionaux pour les moins de 25 ans

« Les billets de train régionaux deviendront gratuits pour les moins de 25 ans » au 1ᵉʳ juin, affirme la voix off de la vidéo. Mais seulement « s’ils s’engagent à ne pas posséder de voiture avant 30 ans ». Une aubaine ?

Pas vraiment, puisque Les Surligneurs n’ont pas pu trouver la trace d’une telle mesure dans les textes de loi ni d’une telle offre chez les transporteurs.

Pour les jeunes, la SNCF propose deux principaux abonnements. La carte avantage jeune, à 49 euros par mois, offre des réductions aux moins de 28 ans sur les trains régionaux, mais aussi sur les TGV et les trajets vers d’autres pays d’Europe. Pour 79 euros par mois, l’abonnement MAX jeune propose des trajets gratuits dans la limite des places disponibles. Les régions ont aussi leurs propres offres destinées aux jeunes.

L’offre qui se rapproche le plus d’une gratuité des trains pour les jeunes est le pass rail. Au cours de l’été 2024, les moins de 28 ans ont pu, pour 49 euros par mois, voyager en illimité en TER et Intercités. Le dispositif n’a cependant pas tout à fait trouvé son public, notamment en raison d’un déficit de communication et de la superposition avec les autres abonnements, selon une analyse de La Croix.

Aucune de ces offres ne comporte une clause interdisant de posséder une voiture avant 30 ans. Contactée pour savoir si elle comptait mettre en place une telle offre, la SNCF n’avait pas répondu à nos sollicitations au moment de la publication.

La verbalisation automatique des piétons

Les piétons n’ont qu’à bien se tenir. D’après la vidéo repartagée par les internautes, les feux rouges seront, au 1ᵉʳ juin, équipés de capteurs permettant d’automatiser la verbalisation des passants qui traversent la route en dehors des passages piétons.

L’article R412-37 du code de la route impose en effet aux piétons « d’utiliser, lorsqu’il en existe à moins de 50 mètres, les passages prévus à leur intention ». « Aux intersections à proximité desquelles n’existe pas de passage prévu à leur intention, les piétons doivent emprunter la partie de la chaussée en prolongement du trottoir », ajoute le texte.

Les articles suivants disposent également que lorsque la traversée d’une chaussée « est réglée » par des feux de signalisation, « les piétons ne doivent s’engager qu’au feu vert ». Ces derniers sont aussi tenus, hors des intersections, de traverser la chaussée perpendiculairement à son axe. L’infraction à ces règles est punie d’une amende de quatre euros, qui peut être majorée à sept euros.

Pour autant, aucun dispositif de contrôle automatique de ces infractions n’est prévu par la loi. La liste des infractions qui peuvent être constatées au moyen d’un radar est définie à l’article R130-11 du code de la route. Aucune infraction relative à la traversée de la chaussée n’y est recensée.

L’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI), qui traite les amendes, ne fait pas plus mention d’un radar anti-piétons. Sur la page de son site consacrée aux descriptifs des différents radars, il est indiqué que le radar feu rouge se déclenche seulement en cas d’infraction des véhicules, afin de « protéger les usagers vulnérables aux carrefours », comme les piétons.

Contactée, l’ANTAI n’a pas donné suite à nos sollicitations.

L’uniforme obligatoire au primaire

L’uniforme obligatoire figure bien dans les plans du gouvernement, mais n’entrera pas en vigueur au 1ᵉʳ juin au sein des écoles primaires, contrairement à ce que prétend la vidéo.

L’expérimentation d’une tenue scolaire commune à tous les élèves a débuté dans plusieurs établissements volontaires depuis la rentrée 2024. L’exécutif souhaite par ce moyen « renforcer la cohésion entre élèves et améliorer le climat scolaire ».

La mesure est financée par l’État et les collectivités territoriales à hauteur de 200 euros pour une tenue complète. Le gouvernement indique avoir dépensé 1,6 million d’euros en octobre 2024, dispersé sur 100 établissements, pour la mise en œuvre de l’expérimentation.

La décision quant à la généralisation de l’uniforme scolaire sera prise en 2026, en fonction des résultats de l’évaluation du dispositif. La Direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance, chargée de ce suivi, doit rendre ses premiers résultats à la fin du mois d’avril prochain.

L’interdiction de vente des produits importés de moins de cinq euros

Afin de protéger les producteurs locaux, l’État aurait décidé d’interdire la vente des produits importés d’une valeur de moins de cinq euros, selon la vidéo relayée sur les réseaux sociaux.

Dans un contexte de guerre commerciale de plus en plus tendu avec les États-Unis, l’information peut paraître vraisemblable. Pourtant, Les Surligneurs n’ont pu trouver aucune trace d’une telle annonce.

En Europe, la libre circulation des marchandises semble, dans l’esprit, être contraire à la mise en place d’une telle mesure. L’article 30 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) empêche en effet « les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent » entre les États membres.

L’union douanière est l’une des compétences exclusives de l’Union européenne, dotée d’un marché unique. Pour cette raison, l’essentiel des réglementations dans ce domaine se décide à Bruxelles. Les tarifs douaniers sont fixés par le Conseil européen, sur proposition de la Commission. Or, le Conseil n’a pas annoncé de restriction particulière sur les biens importés d’une valeur de moins de cinq euros.

Ces marchandises ne font par ailleurs pas partie des produits faisant l’objet d’une restriction ou d’une interdiction de circulation répertoriées par la douane française, ni de ceux soumis à un embargo ou une réglementation particulière. Contactés, les services de douanes n’ont pas pu nous répondre avant la parution de l’article.

Puisqu’elle est censée « protéger les producteurs locaux », la mesure telle que décrite dans la vidéo pourrait s’apparenter à une mesure antidumping. L’Organisation mondiale du commerce (OMC), à laquelle appartient la France, autorise un État, en cas de dumping avéré, à recouvrer ses pertes.

En cas d’urgence, un pays peut même restreindre temporairement les importations d’un produit si celles-ci causent un dommage à la branche de production nationale. Mais l’interdiction générale à la vente de produits importés en fonction de leur seule valeur d’échange ne fait pas partie des mesures de rétorsion prévues par l’OMC.

Plus largement, les restrictions à l’importation et à la vente ne s’appliquent pas de manière indiscriminée, ou bien uniquement en fonction de la valeur de la marchandise, mais dépendent plutôt de sa nature et de sa composition. Elles obéissent à des règles complexes, qui dépendent du pays exportateur, du mode de transport, de son degré de dangerosité pour la santé et la sécurité, et des différentes réglementations internationales, comme les accords de libre-échange.

Il est virtuellement impossible pour la France, qui dépend de l’Europe et tenue par de nombreux accords internationaux, d’appliquer unilatéralement une interdiction à la vente de tous les produits importés de moins de cinq euros.