Après les insultes de l’Ambassadeur de Chine contre un chercheur français, Amnesty International France demande à l’exécutif de “réagir face à de telles méthodes”
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteurs : Léon Gautier, master 2 droit européen, Université Paris-Est Créteil, Clémence Papion, master 1 droit international public, Université Lyon 3
Relecteur : Raphaël Maurel, maître de conférences en droit international, Université de Bourgogne
Source : Compte Twitter de Cécile Coudriou, le 20 mars 2021
En théorie, toute personne qui en injurie une autre publiquement peut être condamnée au pénal. Mais s’agissant d’un ambassadeur, il existe une immunité qui fait qu’il ne peut pas être poursuivi. Donc le ton pourra monter comme c’est déjà le cas entre la Chine et la France, et les réactions demandées par Amnesty International ne pourront qu’être de nature diplomatico-politique. Cécile Coudriou et l’ambassadeur lui-même le savent bien.
Ces derniers jours, Antoine Bondaz, chercheur français auprès de la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste de l’Asie, a été la cible de nombreuses insultes de la part de l’Ambassadeur de Chine en France : “petite frappe”, “hyène folle”, “troll idéologique”. Un courroux qui fait suite aux dénonciations par le chercheur des pressions exercées par Pékin contre la tentative de visite de parlementaires français à Taïwan. Cécile Coudriou, présidente d’Amnesty international France, a vivement invité Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian à réagir. Or, il est important de rappeler que ces éventuelles réactions ne pourraient être que diplomatiques et en aucun cas de nature pénale.
S’il n’était pas diplomate, l’auteur des propos en cause (s’ils étaient considérés comme injurieux par un tribunal) risquerait jusqu’à 12 000 euros d’amende. Le délit d’injure publique (fait d’écrire ou de prononcer publiquement des propos qui ont pour but de blesser ou d’offenser une personne) est donc puni par la loi française, mais l’ambassadeur ne pourrait en tout état de cause être poursuivi.
Les diplomates disposent de ce qu’on appelle une “immunité de juridiction pénale” (article 31 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961). En d’autres termes, un ambassadeur envoyé par un État étranger sur le sol français ne peut être poursuivi en matière pénale devant les juridictions françaises.
Il reste donc les “sanctions” prévues par la Convention de 1961 : la France aurait la possibilité de déclarer le diplomate chinois comme inapte à poursuivre sa mission diplomatique en France (article 43 de la Convention). Emmanuel Macron pourrait également déclarer l’Ambassadeur chinois persona non grata, ce qui forcerait ce dernier à quitter le territoire français (article 9 de la Convention). Enfin, autre pratique diplomatique, la France pourrait “rappeler son ambassadeur”, comme elle l’a fait lorsque le président turc Erdogan a insulté le président Macron en octobre 2020. Ce serait faire monter la riposte d’un cran, ce qui à l’heure actuelle est peu plausible.
Ces solutions pour le moins tranchées, si ce n’est belliqueuses, semblent inadaptées au contexte actuel, car l’Union européenne et la Chine sont des partenaires économiques importants. Le ton est néanmoins monté d’un cran ces derniers jours entre les deux puissances sur le sort des Ouïghours, après que l’Union ait pris des sanctions à l’égard de responsables chinois accusés d’être impliqués dans l’oppression de cette minorité musulmane.
Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères a d’ailleurs, en réaction aux propos tenus, convoqué l’ambassadeur Lu Shaye, ce lundi 22 mars. Il ne s’est pas rendu à cette convocation. Reste à savoir si Lu Shaye continuera d’évoquer son agenda comme un refus implicite de répondre à cette convocation.
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