Annexion du Golan : les déclarations de Benyamin Netanyahou face à la réalité du droit international

Des véhicules blindés de l'armée israélienne se déplacent, le 21 décembre 2024, près du village druze de Majdal Shams sur le plateau du Golan annexé par Israël. (Photo : Jalaa Marey / AFP)
Création : 27 décembre 2024
Dernière modification : 31 décembre 2024

Auteur : Lucas Médinger, juriste en droit international

Relectrice : Maria Castillo, maîtresse de conférences en droit public à Caen

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste

La déclaration de Benyamin Netanyahou sur la souveraineté israélienne « pour l’éternité » du Golan occupé contredit le droit international, qui reconnaît ce territoire comme syrien et interdit l’annexion par la force.

Le 9 décembre 2024, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a affirmé que la partie du Golan syrien occupée par Israël appartenait à son pays « pour l’éternité », alors même que les troupes israéliennes continuaient d’étendre leur contrôle sur ce territoire.

Cette déclaration, qui intervient dans un contexte géopolitique tendu, au lendemain de la chute du président syrien Bachar al-Assad, soulève des interrogations sur le plan du droit international et mérite une analyse approfondie.

Le Golan syrien occupé, une bataille juridique

Le plateau du Golan, situé au sud-ouest de la Syrie, est occupé par Israël depuis la guerre des Six Jours en 1967. La Syrie a tenté, sans succès, de reprendre ce territoire lors de la guerre du Kippour en 1973. Un an plus tard, un accord de désengagement a été signé entre les deux États (S/11302/ADD.1). Il établit une zone tampon démilitarisée placée sous le contrôle de la FNUOD (Force des Nations unies chargée d’observer le désengagement).

En 1981, la Knesset, le Parlement israélien, a adopté la « loi du plateau du Golan » proclamant l’application des lois, juridiction et administration israéliennes sur ce territoire. Cet acte fut condamné par de nombreux États de la communauté internationale (y compris les États-Unis) et considéré par les ministres des Affaires étrangères de la Communauté européenne comme équivalent à une annexion.

En 2019, les États-Unis, sous l’administration Trump, ont reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan, rompant ainsi avec la position traditionnelle de la communauté internationale, mais également avec celle des Nations Unies (A/RES/74/14) et plus particulièrement du Conseil de sécurité des Nations unies, qui dans sa résolution 497 (1981) a déclaré que « la décision prise par Israël d’imposer ses lois, sa juridiction et son administration dans le territoire syrien occupé des hauteurs du Golan est nulle et non avenue et sans effet juridique sur le plan international ».

La Cour internationale de Justice (CIJ), dans son avis consultatif du 9 juillet 2004 « Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé », a eu l’occasion de souligner « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre » et rappeler l’obligation de respecter l’intégrité territoriale des États.

La Cour a notamment relevé que le Golan est un territoire occupé et que, conformément au droit international, l’occupation militaire ne confère aucun droit souverain à la puissance occupante, en l’occurrence : Israël.

La prohibition de l’annexion

L’interdiction d’acquérir des territoires par la force est l’une des pierres angulaires du droit international public. Ce principe découle de l’article 2(4) de la Charte des Nations Unies, qui interdit explicitement le recours à la menace ou l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique d’un État. Ce principe a notamment été réaffirmé dans la résolution 2625 de l’Assemblée générale des Nations unies (1970).

Ces dispositions reflètent une conception universelle de la souveraineté et de l’intégrité territoriale comme piliers de la stabilité des relations internationales.

Le principe a été confirmé à de nombreuses reprises par la CIJ, notamment dans son avis consultatif de 2004, qui condamnait la construction par Israël d’un mur en Territoire palestinien au motif que ladite construction pourrait préjuger de la frontière future entre Israël et la Palestine et équivaudrait alors à une annexion de facto en créant une situation de « fait accompli » pouvant devenir permanente, nonobstant la description officielle qu’Israël donne du mur.

Plus récemment dans son avis consultatif du 19 juillet 2024 « Conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est », la CIJ a estimé que « le fait de tenter d’acquérir la souveraineté sur un territoire occupé […] est contraire à l’interdiction de l’emploi de la force dans les relations internationales et à son corollaire, le principe de non-acquisition de territoire par la force ».

Cet avis a également rappelé et confirmé que l’interdiction de toute acquisition territoriale obtenue par la menace ou l’emploi de la force était un principe de droit international coutumier, ce qui implique son caractère contraignant, la coutume internationale étant l’une des sources formelles du droit international (art. 38 Statut de la CIJ).

Cette interdiction d’acquérir des territoires par la force vaut également pour les territoires occupés, puisqu’une « occupation ne confère à la puissance occupante aucun titre sur le territoire occupé, et n’a pas davantage pour effet de faire disparaître le titre légitime » (CIJ, avis consultatif de 2024). L’occupation militaire est censée n’être que temporaire ; par conséquent, l’annexion d’un territoire occupé par une puissance occupante est illicite.

Ainsi, toute tentative de légitimer une occupation militaire en annexion légitime, comme celle évoquée par Benyamin Netanyahou, viole le droit international. Bien que l’occupation militaire puisse être admise dans certains cas, notamment en situation de légitime défense, ce qui n’est pas applicable en l’espèce, elle ne peut en aucun cas servir de fondement à une revendication souveraine.

Une annexion ne sera légale, dans le cadre du droit international, que si elle repose sur un consentement libre et internationalement reconnu, sans recours à la force, conformément à la Charte des Nations Unies et au principe du droit des peuples à l’autodétermination.

Les implications de la déclaration de Benyamin Netanyahou

La position israélienne sur le Golan entraîne des conséquences juridiques significatives, puisqu’elle affaiblit les principes du droit international et constitue une nouvelle atteinte à ces derniers.

De plus, le soutien explicite des États-Unis sous l’administration Trump à cette annexion complique la situation car elle contrevient à un autre principe du droit international qui est essentiel pour préserver l’ordre juridique : la non-reconnaissance des situations illégales.

Ce principe a été affirmé à de nombreuses reprises tant par la doctrine que par la jurisprudence. À titre d’exemple, dans son avis consultatif du 21 juin 1971, la CIJ a déclaré que la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie était illégale et que les « États Membres des Nations Unies ont l’obligation de reconnaître l’illégalité » de cette présence (para. 133). L’avis du 9 juillet 2004 a confirmé ceci en déclarant que « les États sont dans l’obligation de ne pas reconnaître la situation illicite » résultant de la construction du mur dans le territoire palestinien occupé (para. 159).

Le soutien politique des États-Unis contribue donc à un climat d’impunité qui menace de fragiliser les normes internationales.

Néanmoins, la majorité des membres de la communauté internationale continue de rejeter cette position. Par exemple, la France a appelé « au respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Syrie » à la lumière des derniers développements.

En conséquence, la déclaration de Benyamin Netanyahou sur la souveraineté israélienne sur le Golan syrien constitue une violation manifeste du droit international. En affirmant la pérennité de l’occupation, Israël s’écarte des principes fondamentaux de l’ordre juridique international en transgressant les principes d’intégrité territoriale et de souveraineté des États consacrés par la Charte des Nations Unies et le droit international coutumier.

Israël reste une puissance occupante, soumise aux obligations du droit international humanitaire. Les normes internationales, bien que fragilisées par ces déclarations, demeurent un pilier essentiel pour préserver l’ordre juridique et la stabilité des relations internationales.

 

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