Anne Hidalgo propose “une commercialisation collectivement maîtrisée des producteurs”
Dernière modification : 27 juin 2022
Autrice : Juliette Dudermel, master de droit de l’Union européenne, Université de Lille
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : Programme pour l’élection présidentielle de 2022, proposition n°17
L’objectif d’assurer un revenu plus juste aux agriculteurs ne peut justifier une entente sur les prix de vente, car cette pratique est interdite de façon générale par le droit européen, tant elle fausse le marché. Le déséquilibre des relations entre agriculteurs en grande distribution devra se régler autrement.
Anne Hidalgo, candidate à l’élection présidentielle de 2022, a présenté son programme. Afin de permettre un “meilleur revenu pour les producteurs”, elle promeut “la diminution des dépenses d’intrants, une plus grande autonomie des exploitations, et la valorisation de la qualité des produits par une commercialisation collectivement maîtrisée des producteurs“. Si cela signifie la création d’une entente entre producteurs sur les prix, il faut savoir qu’il existe des règles de concurrence à respecter.
Les règles de concurrence sont principalement fixées par l’Union européenne qui a une compétence étendue dans ce domaine conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), notamment son article 40 en matière agricole. Ainsi, le secteur agricole est concerné par les réglementations européennes en matière de concurrence, même si une décision de la Cour de justice de l’Union européenne est venue rappeler qu’un équilibre devait être assuré entre la nature économique des activités agricoles et les objectifs poursuivis par la politique agricole commune. En droit français, c’est le code de Commerce qui vient prohiber les ententes illicites.
Dans ces conditions, comment assurer un juste revenu aux agriculteurs, sans les contraindre à violer la loi ?
L’impuissance de la loi à permettre une juste rémunération des agriculteurs
Le TFUE énonce l’incompatibilité avec le marché intérieur de l’entente qui est un “accord ou […] [une] action concertée qui a pour objet ou peut avoir pour effet d’empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur un marché de produits ou de services déterminés“. Pour éviter ce type de pratiques dans le secteur agricole, un règlement européen a été adopté en 2013 sur les seuils de référence des produits agricoles afin de permettre une concurrence effective tout en “stabilisant les marchés et d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole”.
Afin de répondre aux inquiétudes actuelles autour de la problématique écologique et aux difficultés pour les agriculteurs à être rémunérés décemment, la France a parallèlement adopté deux lois : Egalim 1 en 2018 puis Egalim 2 en 2021. Ces deux lois ont pour but de permettre un revenu digne aux agriculteurs, en particulier face à la grande distribution.
Malgré ces lois, il reste difficile pour les agriculteurs d’obtenir gain de cause dans les négociations face à la grande distribution. Alors que certains distributeurs recherchent un équilibre entre des prix très attractifs pour les consommateurs et une juste rémunération des agriculteurs, d’autres n’hésitent pas à contourner les règles de concurrence à leur profit : en attestent les sanctions prises à l’encontre de Système U, d’Intermarché et de Carrefour pour pratiques commerciales abusives et pratiques restrictives de concurrence envers les fournisseurs.
Pour autant, sont interdites les ententes entre producteurs sur les prix
En prenant en compte les problématiques concurrentielles, il paraît alors difficile de traduire juridiquement la proposition d’Anne Hidalgo, à savoir la “commercialisation collectivement maîtrisée” des producteurs. En effet, cette commercialisation reviendrait à permettre aux agriculteurs de s’accorder sur leurs prix, ce qui pourrait porter préjudice aux autres acteurs du marché agricole et constituerait une entente prohibée au sens du droit de la concurrence. Il faudra donc qu’Anne Hidalgo précise comment elle entend résoudre cette contradiction.
Contactée, Anne Hidalgo n’a pas répondu à nos sollicitations.
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