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Anne Hidalgo promet un « Budget Climat et biodiversité » fixant la « réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de la production d’énergie »

Création : 17 janvier 2022
Dernière modification : 30 septembre 2022

Auteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay

Source : Programme "Réunir la France", proposition 10

Comme la Constitution ne permet pas de multiplier les lois de finances, et sauf à la modifier, le « Budget Climat et biodiversité” pourrait bien se résumer à une énième loi de programmation dont la valeur symbolique serait certes forte, mais dont les effets sont souvent décevants.

Pour montrer l’importance qu’elle accorde à l’écologie, Anne Hidalgo, candidate du Parti socialiste à l’élection présidentielle, entend créer un grand « ministère du Climat, de la Biodiversité et de l’Économie », avec un « Budget Climat et biodiversité qui fixera les programmations de réduction d’émission de CO2 et de décarbonation de la production d’énergie ». Ce « budget » serait voté chaque année « par le Parlement en même temps que les lois de finances et de financement de la Sécurité sociale », et « ouvrirait les crédits d’investissements publics nécessaires pour décarboner notre économie (énergies renouvelables, mobilités, logement, etc.) ». Les outils juridiques existent déjà pour cela, d’autant que la Constitution interdit de multiplier les budgets.

Le “Budget Climat et biodiversité” ne serait jamais qu’une loi de programmation de plus

La France ne peut multiplier les budgets (ou lois de finances) : la Constitution énumère ce qu’on appelle de façon générique les lois de finances : la loi de finances elle-même, qui retrace chaque année l’ensemble des recettes et dépenses de l’État (hors collectivités territoriales), les lois de financement de la sécurité sociale (recettes et dépenses du système de couverture sociale), les lois de programmation qui déterminent des objectifs et actions de l’État (auxquelles s’ajoutent les lois de programmation pluriannuelles, créées pour assurer une maîtrise des dépenses sur le moyen terme). 

Seules la loi de finances annuelle et la loi de financement de la sécurité sociale, en l’état du droit, peuvent « ouvrir des crédits » selon les termes de la promesse d’Anne Hidalgo, c’est-à-dire permettre des dépenses effectives de décarbonation. Les autres lois, en particulier de programmation, fixent des caps pour l’action publique, en prévoyant des crédits sur plusieurs années, parfois dix ans, comme la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030.

La loi de programmation propose sur plusieurs années, seule la loi de finances dispose chaque année

Mais, comme le monde de la recherche s’en émouvait d’ailleurs, les lois de programmation n’ouvrent aucun crédit par elles-mêmes, c’est-à-dire qu’elles ne permettent juridiquement aucune dépense : chaque année, les crédits prévus par la loi de programmation doivent être ouverts par la loi de finances, sinon la dépense ne peut avoir lieu. En somme, une loi de programmation programme, mais n’engage pas, d’autant qu’en dix ans, la majorité parlementaire peut changer et « oublier » le programme, qui ne sera plus repris par la loi de finances. De façon générale, les lois de programmation sont rarement respectées jusqu’à leur terme, comme s’en plaint parfois le Parlement lui-même, sauf bien entendu en année électorale

Dans ce contexte juridique, le « Budget Climat et biodiversité » d’Anne Hidalgo s’apparente à une simple loi de programmation comme il s’en vote très régulièrement, pour la justice en 2019, pour la sécurité intérieure en 2002, pour la politique de défense en 2018, en somme chaque fois qu’un secteur de la vie publique est sinistré et qu’un investissement de masse doit être envisagé pour apaiser la colère des agents des services publics en question. Mais ce « Budget Climat et biodiversité » ne pourra ouvrir aucun crédit, car seule la loi de finances peut le faire : c’est le principe d’unité budgétaire de l’État, prévu par la loi organique relative aux lois de finances (dite LOLF). 

Modifier la Constitution ?

Bien sûr, la LOLF peut être modifiée, et même la Constitution pour y inscrire ce « Budget Climat et biodiversité ». Mais il faudra toujours un document unique résumant l’ensemble des recettes et dépenses de l’État, afin que le Parlement et le citoyen puissent vérifier l’état réel des finances publiques et combien coûte l’État par rapport à ce qu’il offre. Cette exigence figure dans la Déclaration des droits de l’Homme. Surtout, créer une loi de finances ne crée pas d’argent : il faudra bien le tirer de quelque part, et dire clairement d’où il viendra.

Contactée, Anne Hidalgo n’a pas répondu à nos sollicitations.

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