Allemagne : Non, personne n’a été envoyé en prison pour avoir « offensé » un auteur de viol
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Clara-Robert Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, étudiante à l’École Publique de Journalisme de Tours
Source : Compte Facebook, 26 juin 2024
Selon un post publié sur Facebook, “Une Allemande qui a critiqué un gang de migrants ayant violé une ado de 14 ans est envoyée en prison pour avoir « offensé » les migrants”. Une affirmation qui interpelle à sa lecture, mais qui est aussi imprécise. Parler de “gang de migrants” et de “prison” est ici faux, selon les informations recueillies par Les Surligneurs.
L’affaire avait secoué d’horreur l’Allemagne en septembre 2020 : une mineure, en état d’ébriété et égarée dans un parc de Hambourg, fut, en l’espace de quelques heures, la victime de plusieurs abus sexuels. Au-delà du dégoût légitime qui prévaut à la brève lecture de tels faits, le supposé profil des condamnés — des migrants — a servi de prétexte à tous les raccourcis et amalgames possibles sur les réseaux sociaux.
Et il a suffi ici d’une actualité pour relancer la machine endormie depuis des mois et le prononcé du jugement des accusés en novembre dernier. Dans le cas présent, c’est la condamnation, il y a quelques jours, d’une personne auteure d’insultes, via une messagerie privée, à l’encontre de l’un des auteurs des faits qui a servi de motif à la réitération d’assimilations insidieuses.
Un gang de migrants imaginaire
Ainsi, à ce sujet, l’auteur du post évoque “un gang de migrants”. Première erreur manifeste si l’on se réfère au communiqué de presse publié le 28 novembre dernier par le tribunal régional de Hambourg après le prononcé du jugement.
Le communiqué développe les événements, survenus le 19 septembre 2020, selon plusieurs séquences. Il y est ainsi mentionné “quatre temps” distincts et différents “groupes”, sans que de liens entre eux ne soient indiqués. Il est donc impossible, sans atténuer un seul instant la répugnance de l’affaire, d’affirmer que les neuf personnes reconnues coupables formaient “un gang de migrants”.
Par ailleurs, au-delà de cette idée sous-jacente d’un groupe organisé, l’utilisation du mot “migrant” est ici trompeuse. Selon plusieurs articles de presse, consultables ici et là, et des informations récoltées par Les Surligneurs auprès de l’agence de presse allemande dpa (d’autre part auteure d’un article de fact-checking sur un autre volet de l’affaire), quatre des condamnés avaient la nationalité allemande.
Pas de prison
Aussi, l’auteure des insultes à l’encontre de l’un des condamnés a-t-elle été “envoyée en prison” comme l’indique l’auteur de la publication ? Non, selon le service presse du tribunal régional de Hambourg interrogé par Les Surligneurs qui évoque une condamnation à un « Freizeitarrest ».
Cette condamnation ne trouve pas d’équivalent en français, mais correspond à un« week-end dans un centre de détention pour des raisons éducatives ». Lorsque l’auteur des faits est adolescent ou jeune adulte, le juge peut décider de prononcer cette sanction, plus éducative. Âgée de 20 ans, l’auteure des insultes est considérée par la Justice allemande comme une jeune adulte (18-21 ans) et a donc été jugé par la justice des mineurs.
Le service presse du tribunal régional de Hambourg a également précisé que l’accusée avait déjà commis auparavant un vol, ce qui justifierait cette condamnation.
Un point qui contredit de fait l’idée portée par la publication selon laquelle “Elle (est) condamnée à une peine de prison plus longue que la plupart des hommes qui ont commis le viol”.
Pour rappel, le tribunal régional de Hambourg n’avait condamné, en novembre dernier, après 68 jours de procès, qu’un seul des accusés à de la prison ferme, les autres bénéficiant de peines avec sursis. “Selon le droit pénal des mineurs, la durée des peines pour mineurs s’oriente sur les besoins éducatifs des différents accusés”, précisait alors la juridiction dans son communiqué de presse.
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