Alexandre Vincendet (député LR) veut créer un « service d’accès à la citoyenneté des droits et devoirs » sous peine de privation des droits civiques et sociaux
Dernière modification : 22 septembre 2022
Autrice : Elsa Ayache, master à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani, Yeni Daimallah et Loïc Héreng
Source : Le Journal du Dimanche, 11 septembre 2022
Il est déjà possible de conditionner les diverses allocations à des obligations et devoirs des intéressés, mais à condition qu’il y ait une cohérence entre ces devoirs et l’objectif de l’allocation. Quant à la privation du droit de vote, elle n’a guère de chances de passer.
Dans une tribune parue au Journal du Dimanche, le député Les Républicains du Rhône, Alexandre Vincendet, propose un “service d’accès à la citoyenneté des droits et devoirs” obligatoire, sous peine de privation définitive d’accès aux droits sociaux (notamment les allocations). Il s’explique par une volonté de créer “un moment collectif, universel et égalitaire qui permettrait à chacun de devenir pleinement citoyen”.
En somme, Alexandre Vincendet souhaite redéfinir la conception de la citoyenneté et y greffer un système généralisé de conditionnalité des droits. “Pas fait vos trois mois (de service, NDRL) : pas de RSA ni d’autres allocations non contributives (…) et, pourquoi pas, pas de possibilité de voter”. Problème : un tel projet risque d’être jugé inconstitutionnel.
Le débat sur la constitutionnalité de la privation des allocations de solidarité
Le préambule de la Constitution de 1946 érige la solidarité en un des fondements de la République : “la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement (…) Tout être humain qui, (…) se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.”
Or, le RSA assure précisément aux personnes sans ressources un niveau minimum de revenu qui varie selon la composition du foyer. Il est ouvert, sous certaines conditions, aux personnes d’au moins 25 ans comme aux jeunes actifs de 18 à 24 ans s’ils sont parents isolés ou justifient d’une certaine durée d’activité professionnelle. L’attribution du RSA s’accompagne déjà d’un certain nombre de “devoirs” du bénéficiaire, dont le non-respect peut entraîner un arrêt des versements. Il s’agit notamment de l’obligation de suivre un projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE), et de celle d’atteindre des objectifs définis avec le référent.
Le Conseil constitutionnel pourrait-il dès lors censurer une loi conditionnant par exemple le bénéfice du RSA à l’accomplissement de certaines activités professionnelles ou bénévoles ? L’actualité législative pourrait l’amener à trancher rapidement la question, une proposition de loi ayant été adoptée par le Sénat cet été, et des expérimentations étant envisagées en 2023 dans certains départements par le Gouvernement.
De façon plus générale, et sortant du cas du RSA seul, on sait déjà que le Conseil constitutionnel reconnaît une marge de manœuvre au législateur, mais limitée. Il estime en effet que “des obstacles excessifs à l’accès à certains régimes de protection sociale pourraient être constitutifs d’une méconnaissance du droit constitutionnel à la protection sociale”.
Cela signifie qu’il est possible de modifier les conditions d’octroi de telles allocations. Ainsi, le département du Haut-Rhin avait instauré en 2016, sept heures de bénévolat par semaine pour les bénéficiaires du RSA. Contestée, cette mesure a été validée par le Conseil d’État en 2018, sous condition que l’engagement soit « élaboré de façon personnalisée » (et donc non automatique comme le voudrait Alexandre Vincendet, et que les actions de bénévolat exigées puissent “contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatibles avec la recherche d’un emploi ».
L’inconstitutionnalité du retrait automatique du droit de vote
Le droit de vote est un fondement de la démocratie, couplé au principe des « élections libres”. Bien que les États puissent retirer le droit de vote, à la suite de condamnations par exemple, la Cour européenne des droits de l’Homme a reconnu en 2005 l’incompatibilité d’une loi de “restriction générale, automatique et indifférenciée à un droit consacré par la Convention”. Contacté, le député Alexandre Vincendet précise aux Surligneurs que cette proposition était faite pour “ouvrir le débat” et n’a pas vocation à se retrouver dans une proposition de loi. Imaginons cependant que ce soit le cas. Serait-ce possible ?
Actuellement, la révocation du droit de vote est prévue par le Code pénal. Il s’agit d’une peine complémentaire et temporaire, sans caractère automatique. Ce constat diffère très nettement de l’autonomisation du retrait des droits, de manière définitive et automatique, proposé par le système d’Alexandre Vincendet, qui aurait probablement du mal à passer le cap du contrôle de constitutionnalité.
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