Affaire Omar Raddad : éclairage sur la procédure de révision pénale

Création : 17 octobre 2022
Dernière modification : 5 juin 2023

Autrice : Claire Selvi, master de droit pénal et politiques criminelles, Université Paris-Nanterre 

Relectrice : Audrey Darsonville, professeure de droit pénal, Université Paris-Nanterre

Secrétariat de rédaction : Emma Cacciamani et Yeni Daimallah

 

La révision pénale est une procédure qui aboutit rarement tant les conditions de recevabilité sont difficiles à réunir. Il est important de connaître ces conditions, la procédure elle-même, et la différence avec d’autres notions comme la grâce présidentielle.

En 1994, l’ancien jardinier marocain avait été déclaré coupable et condamné à 18 ans de réclusion criminelle pour le meurtre de Ghislaine Marchal. Ces quelques mots ”Omar m’a tuer” inscrits avec le sang de la victime dans l’une des pièces de la maison l’avaient désigné comme le meurtrier.

En 1996, il obtint une grâce partielle par le président de la République de l’époque, Jacques Chirac. Il fut alors libéré deux ans plus tard après sept ans d’incarcération. Souhaitant être innocenté, il déposa, en 2002, une première requête en révision qui fut rejetée. 

Près de vingt ans après, le 24 juin 2021, Omar Raddad déposa une seconde demande à la suite d’un rapport privé rendu en 2019 par un spécialiste en analyses génétiques, qui concluait à la présence d’une empreinte génétique masculine inconnue à trente reprises dans le tracé des lettres au sang. Des éléments supplémentaires issus d’une enquête de la gendarmerie réalisée entre 2002 et 2004 ont également été soulevés. En dépit de ces éléments nouveaux, la commission d’instruction (commission composée de cinq magistrats qui ne peuvent pas ensuite siéger dans la Cour de révision et de réexamen) vient de rejeter sa demande. 

QU’EST-CE QUE LA RÉVISION ?

La révision peut être demandée à l’encontre d’une décision de condamnation devenue définitive, c’est-à-dire quand les délais de recours en appel ou en cassation sont expirés). Pour être recevable (c’est-à-dire étudiée au fond), cette demande doit s’appuyer sur un fait nouveau ou sur la révélation d’un élément inconnu à la date du jugement. Ces nouveaux éléments doivent être de nature à établir l’innocence du condamné ou au moins à faire naître un doute sur sa culpabilité. Cette procédure peut conduire à l’annulation de la décision de condamnation et au renvoi devant une juridiction afin que l’affaire soit à nouveau jugée. 

QUELLE EST LA PROCÉDURE DE RÉVISION ?

Malgré une loi de 2014 simplifiant la procédure, l’annulation de condamnations reste encore exceptionnelle. La procédure de révision est prévue par le Code de procédure pénale. Elle se déroule en deux temps. D’abord, la requête (ou demande) doit être adressée à la commission d’instruction des demandes de révision et de réexamen qui se prononce sur sa recevabilité (sur la base des critères énoncés plus haut). Celle-ci statue par une décision motivée qui est insusceptible de recours. Si la requête est recevable, alors la Cour de révision et de réexamen (qui n’est jamais qu’une émanation de la Cour de cassation) est saisie. Cette dernière recueille les observations des parties et se prononce sur le bien-fondé de la demande, ce qui pourra conduire, le cas échéant, à l’annulation de la condamnation.

QUELLE DIFFÉRENCE AVEC LA GRÂCE ?

Prévue par le Code pénal, la grâce est une dispense d’exécution de la peine qui peut être accordée par le président de la République après lui en avoir fait la demande. Elle peut prendre la forme d’une suppression pure et simple ou d’une réduction de la peine. À la différence de la révision, la grâce dispense d’exécuter la peine, mais sans remettre en cause la décision de culpabilité. 

Ainsi, si Omar Raddad a bénéficié d’une grâce en 1996, celle-ci a eu comme effet de mettre un terme à l’exécution de sa peine, mais en aucun cas d’annuler sa condamnation. Il est donc toujours considéré comme coupable du meurtre de Ghislaine Marchal, et c’est pour cette raison qu’il a formé une demande de révision à deux reprises.

QUELLE DIFFÉRENCE AVEC LA PROCÉDURE DE RÉEXAMEN?

La procédure de réexamen prévue par le Code de procédure pénale devant la Cour de révision et de réexamen est sensiblement la même que pour la demande de révision. Dans les deux cas, il s’agit d’obtenir un nouveau jugement d’une affaire pénale sur le fond. Mais la différence tient aux conditions de recevabilité. En effet, le réexamen ne peut être demandé contre une condamnation pénale par un juge français, que lorsque la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que cette condamnation a été prononcée en violation de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. 

Jusqu’à aujourd’hui, aucune décision n’a été rendue par la Cour européenne dans l’affaire Omar Raddad sur la procédure de révision de sa condamnation.


Cet article a été rédigé dans le cadre d’un événement organisé le jeudi 13 octobre, avec le soutien de l’OTAN, pour former les lecteurs des Surligneurs à la lutte contre la désinformation dans le domaine du droit. 

L’activité proposée était un événement en ligne d’une journée sous la forme d’un « legalthon » consacré à l’État de droit. RESILEX visait à rassembler des chercheurs en droit, des étudiants, des personnes d’influence, des journalistes et le grand public afin d’améliorer la résilience de la société dans le domaine de l’État de droit et de la démocratie. Les participants ont surveillé l’actualité et ont repéré les informations erronées ou les approximations juridiques présentes dans les propos des personnalités publiques. 

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