Affaire Bétharram : François Bayrou peut-il être condamné s’il a menti devant l’Assemblée nationale ?
Dernière modification : 19 février 2025
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
À la suite de déclarations contradictoires sur sa connaissance des cas de violences sexuelles à l’établissement de Bétharram, François Bayrou est accusé d’avoir menti devant les députés. Dans certains cas, le parjure devant la représentation nationale peut être condamné pénalement.
Que risque un Premier ministre qui mentirait devant la représentation nationale ? Début février, Mediapart révélait que François Bayrou avait connaissance de cas de violences sexuelles sur des élèves de l’établissement Notre-Dame-de-Bétharram, dès 1996, alors qu’il était ministre de l’Éducation nationale
En réaction, celui qui est aujourd’hui Premier ministre a démenti être au courant de cette affaire devant les députés, mais a assuré à un collectif de victimes avoir diligenté une enquête à l’époque. Face à ces contradictions, il est accusé de parjure devant la représentation nationale.
S’il n’est pas du ressort des Surligneurs d’estimer si François Bayrou a menti ou non, il est tout de même intéressant de clarifier un point : le Béarnais pourrait-il être inquiété judiciairement pour avoir menti devant les députés ?
Une distinction importante s’impose entre mentir devant l’hémicycle de l’Assemblée nationale et mentir sous serment devant une commission d’enquête parlementaire.
Une sanction politique dans l’hémicycle
Lorsqu’un membre du gouvernement fait une déclaration fausse ou trompeuse devant l’Assemblée nationale, la sanction est avant tout politique. Il n’existe pas de texte pénal réprimant le mensonge en séance plénière. Toutefois, une telle attitude peut provoquer une crise politique et mener à des sanctions institutionnelles.
Le seul outil à disposition des députés pour sanctionner un mensonge politique est la motion de censure, prévue par l’article 49 de la Constitution. Si une majorité absolue de députés vote cette motion, le gouvernement est renversé. Cependant, cette sanction reste rare, car elle dépend du rapport de force entre la majorité et l’opposition.
Un délit pénal devant une commission d’enquête
En revanche, la situation est bien différente lorsqu’une personne témoigne sous serment devant une commission d’enquête parlementaire. En vertu de l’article 6 de l’ordonnance de 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, les témoins prêtent serment de dire la vérité. Mentir dans ce cadre constitue un délit puni par l’article 434-13 du code pénal, qui prévoit jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 euros d’amende.
Ainsi, une déclaration mensongère devant une commission d’enquête expose à une véritable sanction judiciaire, et non plus seulement à une sanction politique. Cette disposition vise à garantir la sincérité des travaux parlementaires et à éviter toute entrave à la manifestation de la vérité.
C’est à ce titre que la ministre Aurore Bergé est visée par une enquête judiciaire pour avoir supposément menti devant une commission d’enquête sur les crèches privées.
Dans l’affaire Bétharram, quel enjeu ?
Dans le cas de François Bayrou, la situation est simple : s’il s’avérait qu’il a menti dans l’hémicycle, les conséquences resteraient politiques. Mais le Premier ministre pourrait être inquiété s’il mentait en étant auditionné par une commission d’enquête, comme celle demandée par le groupe Écologiste et social à l’Assemblée.