Marine Le Pen appelle deux eurodéputés, après leur ralliement à Éric Zemmour, « à renoncer à leur mandat »
Dernière modification : 27 juin 2022
Auteur : Alex Solomonyan, master droit public, Université Aix-Marseille
Relectrice : Sophie Meynet de Cacqueray, maître de conférences en droit public, Université Aix-Marseille
Source : France 24, 23 janvier 2022
Si politiquement cette demande exprime le mécontentement de Marine Le Pen face à deux défections, sa demande est juridiquement irrecevable.
Dimanche, la candidate à l’élection présidentielle du Rassemblement National, Marine Le Pen a déploré le ralliement des deux députés européens Gilbert Collard et Jérôme Rivière à son concurrent Éric Zemmour. Élus sous l’étiquette du Rassemblement National, la présidente du parti les appelle à rendre leur mandat. Pour justifier sa position, elle estime que les eurodéputés ont été élus sur les idées du RN et non sur celles d’Éric Zemmour.
Cette demande est certes politique et poursuit un objectif purement politique. Elle traduit le mécontentement de Marine Le Pen face au départ de deux personnalités importantes du RN.
Sous l’angle juridique en revanche, cette demande est discutable. Un mandat politique est donné au candidat ayant comptabilisé un certain nombre de voix des électeurs. Ce candidat, une fois élu devient alors représentant : autrement dit, il peut valablement s’exprimer au nom de tous les électeurs. Les deux nouveaux « zemmouristes », comme les autres députés français, sont donc investis d’un mandat dit représentatif, par opposition au mandat dit impératif. Le mandat impératif, prohibé par la Constitution, fait de l’élu le fidèle exécutant de la volonté des électeurs, ce qui permet par exemple de l’obliger à les consulter avant toute décision, ou de le révoquer. L’élu est dans ce cas une sorte de commissaire du peuple, qui remplit des tâches précises sur instruction.
À l’inverse, le mandat représentatif implique que les élus exercent le pouvoir librement et tranchent en leur âme et conscience sur les questions à traiter. On ne peut par conséquent pas les blâmer pour des positions ou opinions qu’ils défendent puisqu’ils ont été déclarés aptes à travers la compétition électorale, à exprimer la volonté nationale. Cette liberté de l’élu est rappelée par le Conseil Constitutionnel, qui impose le respect de la liberté des membres du Parlement dans l’exercice de leurs fonctions.
Contrairement à ce que souligne Marine Le Pen, les deux députés européens élus par les citoyens français ne peuvent donc pas voir leur mandat remis en question du fait qu’il ne traduisent pas fidèlement les idées de l’électorat RN.
Contactée, Marine Le Pen n’a pas répondu à nos sollicitations.
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