Éric Zemmour : “je n’ai pas été condamné par la justice (mais) pour délit d’opinion. (…) C’est parce que j’ai une parole trop libre et que ça gêne certains”
Dernière modification : 30 septembre 2022
Autrice : Emma Kiladjian, master études parlementaires – études législatives, Université Aix-Marseille
Relectrice : Sophie Lamouroux, maître de conférences en droit public, Université Aix-Marseille
Source : BFMTV, "La France dans les yeux", 9 février 2022, 2’15
Éric Zemmour a été condamné plusieurs fois pour délit de provocation à la haine et à la discrimination et non pour un délit d’opinion qui n’existe pas en droit français. En France, chacun est libre de ses opinions racistes, antisémites, homophobes, etc., à condition de les exprimer sans encourager publiquement la haine, la violence et la discrimination.
Mercredi 9 février, le candidat à l’élection présidentielle Éric Zemmour, du parti Reconquête!, s’est vu demander s’il se sentait légitime de devenir Président de la République sachant qu’il n’a pas un casier judiciaire vierge. Il a répondu qu’il avait été condamné “pour délit d’opinion” et qu’il n’était “pas un délinquant”. Il soutient avoir été condamné, car il aurait “mal parlé“, considérant qu’il “a le droit de dire (ce qu’il) veut en démocratie et que l’on n’a pas à (le) condamner”. Il précise que la loi Pleven de 1972 (à l’origine de la création des délits d’injure, de diffamation à caractère raciste et de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence) est une “loi liberticide”. Il aura certainement mal lu la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Les faits et condamnations
Quand on entend incarner l’État, on se plie aux institutions et à l’État de droit. Or, les faits constatés et condamnés par un tribunal pénal sont considérés, dans un État de droit, comme une vérité aux yeux de tous. Éric Zemmour a été condamné plusieurs fois par la justice française pour des affaires différentes.
Lors d’une émission sur France O, il a affirmé que les employeurs “ont le droit” de refuser des Noirs et des Arabes. Conséquence, en février 2011, le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné pour “provocation à la discrimination à l’égard d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance à une race”. Nul ne lui a reproché ses opinions, seulement le fait de les avoir exprimées en public en encourageant la discrimination.
Puis, lors d’une émission sur France 5, Éric Zemmour a soutenu qu’il fallait donner “le choix entre l’Islam et la France” aux musulmans, que la France vit “depuis trente ans une invasion” et que “dans les innombrables banlieues françaises où de nombreuses jeunes filles sont voilées” se jouait une “lutte pour islamiser un territoire”, “un djihad”. C’est donc à la suite d’une décision du tribunal correctionnel de Paris de 2017, que la cour d’appel de Paris confirma, en mai 2018, sa condamnation pour “provocation à la haine religieuse” : qu’il n’aime pas l’Islam est une chose, qu’il dénigre publiquement cette religion et en appelle à écarter les pratiquants en est une autre. En revanche condamné en première instance pour avoir soutenu que “tous les musulmans, qu’ils le disent ou qu’ils ne le disent pas”, considèrent les djihadistes comme de “bons musulmans”, la cour d’appel le relaxa sur ce point, preuve de combien il n’y a pas de délit d’opinion.
Le 17 janvier 2022 enfin, le tribunal correctionnel de Paris l’a condamné pour “injure et provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”. Là encore, toujours pas pour délit d’opinion, mais d’expression d’une opinion dangereuse pour les personnes, comme précédemment.
Il n’est pas interdit d’être raciste, islamiste, antisémite, homophobe, etc., le tout étant de ne pas l’exprimer sans encourager la haine et la violence
Éric Zemmour se dit victime d’un délit d’opinion. Ce délit n’existe nulle part dans le droit français. Il consisterait à commettre un délit du seul fait d’avoir une opinion, même sans avoir besoin de l’exprimer publiquement. Or, “nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses” dit la Déclaration des droits de l’homme. Mais “pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi”. Et c’est bien ce qui est reproché à Éric Zemmour : la provocation à la haine, et ses risques pour l’ordre public.
De plus, la loi dite Pleven de 1972 fait un délit de la provocation “à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personne à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”. Cela ne revient pas à condamner une opinion raciste mais, à sanctionner son expression ayant pour but de conduire et de pousser des individus à adopter des comportements portant atteinte à la personne. Cette loi ne fait qu’appliquer la Déclaration des droits de l’homme.
L’expression d’opinions racistes se traduisant par de la provocation à la haine ou à la discrimination et donc par des risques de troubles à l’ordre public est sanctionnable et c’est bien pour ce motif qu’Éric Zemmour a été condamné. Il reste libre de penser qu’il y a trop d’étrangers en France et qu’il faut les expulser. Ce ne sont pas ses opinions qui ont été condamnées mais, la manière dont il les a exprimées. Preuve que sa liberté d’expression est (trop) respectée, il n’a pas été condamné à une inéligibilité qui l’aurait exclue de la course à l’élection.
Contacté, Éric Zemmour n’a pas répondu à nos sollicitations.
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