TVA à 0 % sur le bio et à 5,5 % sur les produits recyclés et biosourcés : une proposition contraire à la législation européenne
Dernière modification : 27 juin 2022
Autrice : Emma Cacciamani, master droit européen, Université Paris 2 Panthéon-Assas
Relecteur : Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur associé au laboratoire VIP, Université Paris-Saclay
Source : Programme de 2022 l’écologie, proposition n°11
La modulation de la TVA est un outil choyé des candidats aux élections nationales. Il est certes possible de le faire varier, mais dans certaines limites, prévues par une directive de l’Union européenne. Une TVA à 5,5 % sur les produits recyclés voire à 0 % sur les produits bio ne serait possible que si les États membres l’autorisaient unanimement.
Dans son programme, le candidat à l’élection présidentielle 2022, Yannick Jadot (“2022 l’écologie”) propose que la France abaisse la TVA des produits bio à 0 %, dans le but de favoriser la consommation des denrées alimentaires qui respectent le cahier des charges européen des produits issus de l’agriculture biologique. Mais le candidat est aussi député au Parlement européen. Et il sait sans doute déjà que sa proposition a peu de chances de voir le jour, même s’il devait s’installer à l’Élysée en 2022 et ce d’autant plus qu’il avait déjà fait cette proposition en mars dernier, une proposition que Les Surligneurs n’avaient pas manqué de “surligner”.
Il y a des seuils de taux de TVA à respecter
Pourquoi cette promesse sera-t-elle difficile à tenir ? La France maîtrise ses taux de TVA, mais dans une certaine mesure seulement. Les États membres de l’Union européenne ont en effet voulu, dès 1977, fixer des seuils planchers afin de limiter la concurrence fiscale au sein de l’Union. Depuis la dernière révision de cette directive par le Conseil qui réunit les ministres des États membres en 2006, deux taux réduits qui ne vont pas en deçà de 5 % peuvent être appliqués, mais pour une liste bien définie de produits et services. Cette liste comprend des biens et des services de base (alimentation, eau, logement, soins médicaux, etc.), ou qui remplissent une fonction d’intérêt général ou culturel (droits d’auteurs, transports, sport, enlèvement des déchets, spectacle, etc.). Cette liste permet d’éviter que les États membres profitent des taux réduits pour là encore se faire concurrence sur des biens ou des services qui remplissent une fonction sociale.
Au-dessus de 5 % : on peut baisser le taux de TVA pour certains produits et services seulement
Yannick Jadot veut abaisser le taux de TVA à 5,5 % pour les produits recyclés, biosourcés et les services de réparation. À moins de rajouter ces catégories de produits et services dans la directive, pour le moment, il n’est pas possible de baisser ce taux. Maigre consolation, des journaux à base de papier recyclé peuvent déjà bénéficier d’un taux réduit, non pas car ils sont recyclés mais parce qu’en tant que journaux ils font partie de la liste définie par la directive de 2006.
En dessous de 5 % : on peut ne peut plus baisser le taux de TVA
Peut-on fixer le seuil des taux réduits à moins de 5 % pour les produits bio ? Car un taux inférieur à 5 % existe bien en France : les “premières” de pièces de théâtre, concert ou cirque bénéficient d’un taux “super réduit” de 2,10 % (sauf pour les pièces pornographiques, exclues de ce taux avantageux…). C’est aussi le cas des médicaments remboursés par la sécurité sociale, ou encore de la presse non quotidienne. C’est une pratique prévue par le droit de l’Union, qui permet le maintien de certains taux “super réduits”, mais seulement s’ils existaient avant 1991, et s’ils sont justifiés par un intérêt social. La Commission européenne avait tenté de remettre en question ce taux pour les médicaments remboursés, mais la Cour de justice de l’Union européenne avait volé au secours de la France. De la même manière, certains États comme le Royaume-Uni ont un taux de TVA à 0 % sur certains produits alimentaires : ils appliquaient déjà ce taux avant 1991.
Bilan : sauf modification du droit de l’Union européenne, il n’est pas possible de descendre en dessous du seuil de 5 %, sauf pour les produits qui bénéficiaient déjà d’un taux inférieur avant 1991, ce qui n’est pas le cas des produits bio.
Pour supprimer la TVA sur les produits de base, il faudrait en effet convaincre tous les États membres sans exception de modifier la directive de 2006. Il n’y a là rien d’impossible. En 2018, l’Union a aligné le taux de TVA de la presse en ligne sur celui des publications papier.
Comme Xavier Bertrand et Jean-Luc Mélenchon – déjà “surlignés” – Yannick Jadot devra s’interroger sur la mise en pratique de sa proposition, s’il était élu.
Contacté, Yannick Jadot n’a pas répondu à nos sollicitations.
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