Yves Jego, affirme que : « il est indispensable de créer un droit de réquisition des agents des transports pour un véritable service minimum dans chaque gare »
Dernière modification : 17 juin 2022
Auteur : Hicham Rassafi-Guibal, le 12 avril 2018
Source : Compte Twitter Yves Jégo, 2 avr. 2018
En l’état actuel du droit, une réquisition en cas de grève à la SNCF est très difficilement envisageable, voire impossible. Il est, en outre, assez peu probable qu’une nouvelle loi permettant la réquisition des cheminots satisfasse aux exigences constitutionnelles.
Yves Jego, député, vice-président de l’Assemblée nationale, veut modifier la loi en vue d’établir un service minimum, au besoin par la réquisition des cheminots. Dans ce contexte, la réquisition est un acte de la hiérarchie ou de l’autorité publique qui peut contraindre tout agent des services publics à regagner son poste de travail, alors même qu’il serait en grève. Ce dispositif existe déjà, mais il est très encadré car il entrave sérieusement le droit de grève, qui est constitutionnellement protégé.
Ainsi, le code de la défense vise des situations graves, c’est-à-dire « des menaces et des risques susceptibles d’affecter la vie de la Nation, notamment en ce qui concerne la protection de la population, l’intégrité du territoire et la permanence des institutions de la République », ce qui ne paraît pas tout à fait approprié à la grève des cheminots. Le préfet possède aussi un pouvoir de réquisition, en cas d’urgence et si les moyens dont il dispose ne permettent plus d’assurer la salubrité, la tranquillité ou la sécurité publiques et, de façon générale, l’ordre public. Là encore, la grève à la SNCF n’est pas de nature à justifier l’usage de ce pouvoir. Ainsi, selon le Conseil d’État, les réquisitions doivent être limitées à ce qui est nécessaire pour garantir la protection de l’ordre public, ce qui ne concerne pas un trafic normal ou minimum à la SNCF. L’impératif de sécurité pourrait, par exemple, justifier la réquisition de certaines équipes. Le code de la sécurité intérieure permet enfin également aux préfets de réquisitionner du personnel, mais uniquement pour l’organisation des missions de sécurité civile. Là encore, ce cas est inapplicable à la grève de la SNCF.
Plus généralement, le Conseil d’État juge depuis 1950 (Dehaene) qu’en l’absence de loi règlementant le droit de grève, il appartient au chef de service de règlementer l’exercice de ce droit par les fonctionnaires. Toutefois, dans cette hypothèse encore, une telle règlementation ne peut viser qu’à empêcher que ne soit portée une atteinte grave à l’ordre public.
Une nouvelle loi, demandée par M. Jégo, y changerait-elle quelque chose ? La réponse est loin d’être évidente. Pour sa part, le Conseil constitutionnel, depuis 1979, entend préserver le droit de grève, reconnu comme principe de valeur constitutionnelle, et n’accepte une interdiction totale du droit de grève qu’à l’égard des « agents dont la présence est indispensable pour assurer le fonctionnement des éléments du service dont l’interruption porterait atteinte aux besoins essentiels du pays ». Il faut que la loi assure une juste conciliation entre la préservation du droit de grève et la continuité du service public ou la sauvegarde de l’intérêt général. En ce sens, il n’est pas certain que la réquisition, qui présente les effets d’une interdiction du droit de grève, présente ce caractère équilibré qu’impose le Conseil constitutionnel. Cela vaut d’autant plus qu’Yves Jégo semble vouloir que la réquisition permette un « service minimum dans chaque gare », ce qui va bien au-delà de l’exigence de limiter la réquisition au seul objectif de préservation de l’ordre public.
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