Pour Guillaume Peltier (LR), “à partir du moment où une association prône l’islam politique, elle n’a plus le droit de cité dans notre pays”
Dernière modification : 22 juin 2022
Auteur : Momen Seddik, rédacteur droit public
Relecteur : Jean-Paul Markus, professeur de droit public, Université Paris-Saclay
Source : Le Figaro, 13 avril 2021
Prôner un “islam politique” ne fait pas partie des motifs permettant au Gouvernement de dissoudre une association. Pas plus que le refus de signer la “Charte des principes pour un islam de France”. Il faut prouver concrètement que l’association incite au terrorisme, à la discrimination, la haine ou la violence, seules notions juridiques présentes dans nos textes, permettant une dissolution. À moins de les modifier.
L’association turco-européenne Millî Görüş a obtenu un permis de construire pour une école, malgré son refus de ratifier la “Charte des principes pour l’islam de France”. Le député Les Républicains Guillaume Peltier demande au Gouvernement de dissoudre cette association pour cette raison.
Pour quelles raisons le Gouvernement peut-il dissoudre une association?
Guillaume Peltier demande ni plus ni moins que de procéder à une dissolution administrative des associations. Cette procédure est possible et prévue par le Code de sécurité intérieure. Elle concerne notamment les associations liées à des actes de terrorisme ou d’incitation à la discrimination, la haine ou la violence. C’est ce qui est arrivé au “Collectif contre l’islamophobie en France” (CCIF), dissout par décret le 2 décembre 2020 pour cautionnement et contribution à la propagation d’idées terroristes et incitation à la haine et la violence.
La dissolution administrative, en raison de l’atteinte potentielle aux libertés qu’elle recèle, est très encadrée par la loi et n’est possible qu’en raison de motifs précis. Or le fait de prôner un islam politique ne fait pas partie de ces motifs. Si le fait de prôner un islam politique constitue en soi une incitation au terrorisme ou à la discrimination, la haine ou la violence, alors la demande du député est légitime.
Mais il faut alors décortiquer l’islam politique (qui n’est pas une notion juridique au contraire par exemple de l’incitation à la violence), et y identifier les éléments illégaux, contraires aux valeurs de la République. Assimiler “islam politique” et terrorisme ou incitation à la haine et la violence est, en l’état du droit, juridiquement faux, car il n’existe pas d’islam politique dans nos textes. Si on voulait dissoudre Millî Görüş pour ce seul motif, il faudrait aussi dissoudre les associations monarchistes par exemple.
De plus, le fait que l’association n’ait pas signé la “Charte des principes pour l’islam de France” ne constitue en rien, pour l’instant, un motif de dissolution. Car cette Charte n’a pas de valeur juridique, elle n’est en rien un texte officiel ni un contrat, mais seulement une sorte d’engagement politique qui a été rédigé par les dirigeants du Conseil français du culte musulman. Le fait de ne pas la ratifier ne peut pas être retenu juridiquement comme un motif de dissolution, ni un motif de refus d’autorisation quelconque, comme un permis de construire. Contacté, Guillaume Peltier n’a pas répondu à nos questions.
Les motifs de dissolution vont peut-être évoluer
Précisons enfin que cette analyse pourrait évoluer prochainement si le projet de loi confortant le respect des principes de la République était adopté. Un amendement récent du Sénat permettrait la dissolution d’associations qui interdisent à des personnes de participer à une réunion en raison de leur couleur, leur origine, leur appartenance ou non à une ethnie ou une religion. Ce même amendement élargit légèrement les autres motifs de dissolution. Ces amendements visent certains éléments de l’islam politique et pourraient donc permettre la dissolution de certaines associations sur cette base.
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