Selon Gabriel Attal, la majorité LREM a fait sauter le verrou de Bercy en 2018
Dernière modification : 21 juin 2022
Auteur : Bastien Savin, étudiant en Master droit de la propriété intellectuelle à l’Université Jean Moulin Lyon 3, sous la direction de Vincent Couronne, docteur en droit européen, chercheur au laboratoire VIP (Paris-Saclay)
Source : Questions au Gouvernement, le 17 novembre 2020
Ce n’est pas totalement vrai. Le “verrou de Bercy”, qui permet à l’administration fiscale de garder pour elle les dossiers de fraude fiscale sans les transmettre à la justice, a été maintenu pour les fraudes dont la pénalité est inférieure à 100 000 €.
Alors que Bruno Le Maire, absent ce jour-là, était attaqué par le député La France Insoumise Ugo Bernalicis au sujet de la fraude fiscale lui reprochant son inaction, c’est à Gabriel Attal, porte-parole du Gouvernement qu’il est revenu de répondre. Ce dernier a alors rétorqué, pour affirmer au contraire que “C’est cette majorité (NDLR: LREM) qui a voté en 2018 une loi contre la fraude fiscale et qui a fait sauter le verrou de Bercy”. Particulièrement décrié depuis l’affaire Cahuzac ou les “Panama Papers”, le verrou de Bercy permet à l’administration fiscale de choisir les dossiers de fraude fiscale qu’elle transmet à la justice pénale et ceux qu’elle traite elle-même, sans saisir la justice. Ce mécanisme a effectivement évolué en 2018, mais ce qu’avance ici Gabriel Attal est plus qu’une approximation.
L’affirmation du porte-parole du Gouvernement est doublement inexacte. D’une part, le verrou n’a pas “sauté” puisqu’en dessous de certains seuils, Bercy garde la main sur le dossier de fraude fiscale. D’autre part, ces seuils ont été adoptés par la majorité elle-même à l’Assemblée nationale, via un amendement sénatorial.
La loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude finalement adoptée a mis en place une obligation de dénonciation au procureur de la République pesant sur l’administration lorsqu’elle constate, dans le cadre d’un contrôle fiscal, une irrégularité ayant entraîné une majoration de l’impôt dû par le contribuable.
Toutefois, pour que l’administration fiscale soit obligée de dénoncer une irrégularité au procureur de la République, des seuils (article L. 228 du Livre des procédures fiscales) doivent être dépassés. Il faut en effet que la sanction porte sur un minimum de 100 000 € d’impôts à régulariser. Mais lorsque le contribuable est soumis aux obligations de déclaration à la Haute autorité pour la transparence de la vie politique (députés, ministres, membres de cabinets ministériels, etc.), le seuil qui oblige à saisir la justice tombe à 50 000 €.
Si le contrôle fiscal aboutit à une des pénalités – en général, l’administration fiscale applique dans ces cas-là des majorations de 40 à 100 % au fraudeur -, l’administration est alors tenue de dénoncer l’irrégularité au procureur de la République.
En dehors de ces hypothèses, elle n’est pas tenue de le faire. Si la loi a donc bien eu pour effet d’augmenter le nombre de dossiers transmis à la justice pénale (1106 entre le 1er janvier et le 30 septembre 2019, soit deux fois plus qu’en 2018 sur la même période), le verrou de Bercy reste bel et bien partiellement maintenu.
Contacté, Gabriel Attal a répondu que la question portait bien sur une fraude qui dépassait les seuils (il s’agissait de la Société Générale), et que le verrou de Bercy avait bien sauté dans ce cas. Mais le propos du porte-parole du Gouvernement reste à nuancer : il ne fait pas mention de ce seuil dans sa réponse, généralisant la suppression du verrou de Bercy. Un rappel n’est donc pas inutile.
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