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Capture d'écran X

Attention à cette vieille vidéo où de prétendus djihadistes menacent de brûler Notre-Dame

Création : 24 septembre 2025
Dernière modification : 25 septembre 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 8 septembre 2025

Une vidéo menaçante, montrant trois hommes cagoulés brûlant une maquette de Notre-Dame de Paris, circule de nouveau sur les réseaux sociaux. Déjà diffusée en janvier 2025 et attribuée à tort à des djihadistes syriens, elle s’avère être une mise en scène grossière, sans lien avec un groupe terroriste réel.

La scène et les menaces tenues rappellent de mauvais souvenirs. Ceux des attentats de 2015 qui ont meurtri la France, mais aussi celui, plus récent, de l’incendie de Notre-Dame à Paris.

Une vidéo a été publiée sur les réseaux sociaux, montrant trois hommes portant des cagoules et vêtus de noir, qui se tiennent derrière une table. L’un d’entre eux réclame « au gouvernement français de libérer notre frère Brahim Aouissaoui », l’auteur de l’attentat de la basilique de Nice qui avait coûté la vie à trois personnes en octobre 2020, « sinon vos églises brûleront par la volonté du Dieu« , assure-t-il.

Un autre, torche à la main, met alors le feu à une maquette d’un édifice religieux qui semble être une représentation de Notre-Dame de Paris. Le message est clair.

Sur les réseaux sociaux, la vidéo a été largement commentée depuis sa diffusion début septembre. Plusieurs publications sur X (lien 1, lien 2) ont été vues des millions de fois. Inquiétantes dans le fond, ces menaces doivent-elles pour autant être prises au sérieux ?

Une vidéo datée

Non et voici pourquoi. Premièrement, ces menaces ne sont pas nouvelles. En effet, la même vidéo a circulé sur les réseaux sociaux dès janvier 2025 comme le montrent ces archives (lien 1, lien 2).

À l’époque, les auteurs de ces menaces avaient été identifiés – comme on peut le lire dans les publications mentionnées ci-dessus — comme des militants de Hayat Tahrir al-Cham (HTC), le groupe rebelle islamiste qui venait alors de renverser quelques semaines plus tôt le régime de Bachar Al-Assad.

Un lien avec le HTC suggérait notamment par la présence d’un logo carré bleu et blanc visible sur les tenues des hommes de la vidéo semblable à celui visible dans ces articles d’analyse (lien 1, lien 2) du mouvement djihadiste. Un lien en réalité factice.

En effet, de nombreux médias (20Minutes, TF1, France24) avaient alors prouvé que ces menaces n’étaient pas issues réellement du groupe djihadiste syrien, mais résultaient d’une mise en scène mal ficelée, voire amateur.

Le journaliste de France 24 Wassim Nasr, spécialiste des mouvements djihadistes, résumait sur X, dès le 28 janvier 2025, que « tout est ridicule dans cette vidéo qui fait des tours sur les réseaux, le propos, comme l’accent égyptien, comme les tenues et la maquette… »

Neuf mois plus tard, la conclusion reste la même. Contacté par Les Surligneurs, Thomas Pierret, chercheur au CNRS et spécialiste de la Syrie « souscrit aux propos de Wassim Nasr ».

« Il s’agit d’une propagande très ancienne et mal réalisée, clairement fausse. L’orateur n’est pas arabophone, les vêtements ne correspondent pas à ceux des militants syriens », soutient pour sa part, auprès des Surligneurs, Jérôme Drevon, chercheur spécialiste du djihad pour l’International Crisis Group.

La réémergence de la vidéo a engendré la publication de nouveaux articles (France Info, France 24, Euronews) visant à contrer l’information qui l’avait déjà été neuf mois plus tôt.

La piste d’une désinformation russe

S’il est difficile, voire impossible, de remonter à la source exacte de cette fausse information, Viginum, le service français de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères, indiquait dans un rapport publié au mois de mai que la vidéo provenait d’un « mode opératoire informationnel » (MOI) russe intitulé Storm15-16.

« Les opérateurs du MOI ont semblé privilégier des sujets polarisants ou anxiogènes sur l’immigration et le terrorisme », précise le rapport à la page 5.

Des accusations visant la Russie reprises sur X, le 9 septembre, par le compte French Response, rattaché au ministère des Affaires étrangères. Ce dernier évoque « une obsession de Moscou pour les histoires de musulmans incendiant des cathédrales. »

Cette vidéo « vise évidemment à exacerber les polarisations en réactivant notamment la psychose du terrorisme djihadiste et le sentiment d’une menace civilisationnelle. Elle suscite également tous types de théories du complot sur son attribution, selon les biais idéologiques de chacun. », assurait pour sa part, il y a quelques jours, dans un message posté sur LinkedIn, Laurence Bindner, spécialiste dans l’analyse de la propagande numérique des groupes extrémistes.