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Rue de Montpensier. Crédit : César, CC BY 3.0

Le Conseil constitutionnel est-il illégal ?

Création : 5 août 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public à l’Université de Poitiers

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte Facebook, le 18 juin 2024

Un internaute affirme que le Conseil constitutionnel serait illégal, car institué par une ordonnance et non une loi votée. Mais cette interprétation méconnaît les règles transitoires en vigueur en 1958, qui autorisaient le gouvernement à légiférer par ordonnance.

Dans un post, un internaute affirme que le Conseil constitutionnel, chargé de veiller au respect de la Constitution, a été créé en toute illégalité. Cela rendrait de la même façon toutes ses décisions sans fondement juridique. Une grande majorité de lois ayant été contrôlées par les Sages, c’est tout un château de cartes juridique qui s’effondrerait.

L’internaute attaque un texte en particulier, l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Ce texte détaille le fonctionnement et les missions de l’institution de la rue Montpensier. Selon l’internaute, cette loi organique aurait dû être adoptée par le Parlement, comme toutes les lois, et non pas par une ordonnance du gouvernement. Mais tout ceci s’explique en droit.

Le Conseil constitutionnel créé par la Constitution

Avant tout, ce n’est pas cette loi organique qui fonde l’existence du Conseil constitutionnel. Les articles 56 à 63 de la Constitution – qui est entrée en vigueur le 5 octobre 1958, soit un mois avant ladite ordonnance portant loi organique – fixent déjà les missions et la composition du Conseil. Même si la loi organique n’existait pas, le Conseil serait toujours là.

Ensuite, sur la loi organique en elle-même, son adoption est intervenue au début de la 5ᵉ République, en pleine période de transition, et cela a une incidence sur les procédures.

Une procédure particulière pour une période particulière

Avant l’entrée en vigueur de la Constitution le 5 octobre 1958, tout (ou presque) était à faire. Il fallait créer les institutions que nous connaissons aujourd’hui et s’assurer du bon fonctionnement des services publics.

Pour cela, la Constitution disposait de trois articles appelés « dispositions transitoires », aujourd’hui abrogés. Parmi eux, l’article 91 prévoyait que « les institutions de la République prévues par la présente Constitution ser[aie]nt mises en place dans le délai de quatre mois à compter de sa promulgation ». 

Pendant ce délai, l’article 92 donnait compétence au gouvernement, alors dirigé par Charles de Gaulle, pour prendre « les mesures législatives nécessaires à la mise en place des institutions et, jusqu’à cette mise en place, au fonctionnement des pouvoirs publics […] par ordonnances ayant force de loi ».

Adopté un mois après l’entrée en vigueur de la Constitution, le gouvernement, alors appelé Conseil des ministres, pouvait bien prendre, par voie d’ordonnance, un texte de nature législative à la place du Parlement, pour détailler les fonctions du Conseil constitutionnel.