La fondation de George Soros ne finance pas la promotion des droits LGBT en Moldavie
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W
Source : Proud Europe, le 21 juillet 2025
L’information a été démentie par la fondation et le gouvernement moldave auprès des Surligneurs. La Moldavie, et sa présidente pro-européenne, Maia Sandu, sont la cible d’une campagne de désinformation russe dans la perspective du scrutin législatif de l’automne prochain.
George Soros, à l’instar de Bill Gates, est une figure honnie par la complosphère, comme ont déjà pu le montrer à plusieurs reprises Les Surligneurs (ici, ici et ici). Le philanthrope étatsunien a été récemment accusé à tort de monter un plan pour « submerger » l’Europe de migrants, d’avoir aidé les nazis à tuer des juifs, ou encore d’avoir été classé comme terroriste.
Ces derniers jours, c’est l’antenne moldave de sa fondation qui est pointée du doigt sur les réseaux sociaux pour une apparente promotion et financement des droits LGBT dans le pays. « La Moldavie a reçu 10 millions de dollars de [George] Soros pour promouvoir les valeurs LGBT », affirme notamment une publication sur Facebook. « Le gouvernement moldave promeut des initiatives LGBTQ, financées par la Fondation Soros, dans le but de saper l’institution familiale en Moldavie », avertit un autre.
La rumeur a été relayée par de nombreux internaute comme, par exemple, ce compte X suivi par près de 160 000 personnes.
Un financement imaginaire
Toutefois, aussi partagée soit-elle, cette supposée information n’en reste pas moins erronée. Contactée par Les Surligneurs, l’antenne locale de la Fondation assure n’avoir accordé « aucune subvention, ni à la présidente Maia Sandu, ni au gouvernement moldave, pour la promotion des droits LGBT ».
Une position répétée par le gouvernement moldave aux Surligneurs. « Nous nions catégoriquement toutes les allégations circulant sur les réseaux sociaux, elles sont entièrement fausses. Ni le gouvernement, ni la présidente Maia Sandu, n’ont reçu de tels fonds », nous confirme un porte-parole.
Par ailleurs, nos recherches sur les sites Internet de la présidence de la République de Moldavie, du gouvernement, ou de la fondation ne nous ont pas permis de retrouver quelconque trace d’un tel financement ou projet.
La fausse information est appuyée, dans de nombreuses publications sur les réseaux sociaux, par une vidéo siglée « Proud Europe ». Celle-ci évoque notamment la mise en place d’un plan en trois points qui inclurait une « réforme du système éducatif », un « accès facilité aux bloqueurs de puberté » ou une prise en charge étatique des opérations des citoyens « souhaitant changer de genre ». L’ensemble de ces allégations est développé dans un article de site internet.
« Nous n’avons jamais soutenu, financièrement ou par le biais de programmes, aucune initiative impliquant des bloqueurs de puberté ou des opérations de réassignation sexuelle financées par l’État », nous précise la fondation. « Ce plan en trois points n’existe pas », certifie pour sa part le gouvernement.
Ce dernier accuse « des réseaux liés au Kremlin » de mener « une campagne de fausses nouvelles pour déstabiliser la Moldavie et discréditer ses dirigeants démocratiques ».
La Moldavie, nouvelle cible de la désinformation russe
Une affirmation impossible à confirmer mais le mode opératoire utilisé pour la propagation de cette infox rappelle notamment les méthodes employées par l’opération informationnelle russe intitulée Storm-1516.
Dans un récent rapport consacré à ce sujet, le Service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) évoque la création de « faux sites d’information » comme moyen de diffusion. Ce qui semble être le cas de Proud Europe.
En effet, comme l’expliquent France 24 ou RFI dans des articles consacrés à la même désinformation, le contenu du site proudeurope.org ne relève pas d’un travail approfondi et professionnel.
« Il mélange de fausses informations et des articles récupérés sur des sites authentiques sous la bannière d’un prétendu site d’actualité destinée à la communauté LGBTQ+ », indique notamment RFI. Ainsi, le dernier article affiché sur le site est basé essentiellement sur un article du New-York Times, publié un jour plus tôt.
Ces faux sites d’actualité, explique le rapport de Viginum, « sont principalement alimentés par des articles de presse reformulés via des outils d’intelligence artificielle générative ».
Autre élément troublant concernant Proud Europe : aucun auteur n’est jamais mentionné et aucun onglet ne permet d’en savoir plus sur le site, son histoire et l’équipe qui le constitue. Une page contact mentionne quant à elle une fausse adresse postale, un faux numéro de téléphone et affiche un texte dénué de sens. Le tout est en réalité tiré, sans modification, d’un modèle de site web proposé par une agence spécialisée dans la création de pages Internet.
Enfin, à en croire plusieurs rapports spécialisés sur la désinformation russe (NewsGuard, Check First), la Moldavie, et sa présidente pro-européenne Maia Sandu, sont devenus ces dernières semaines des cibles privilégiées du Kremlin. Objectif non affiché : influencer les élections législatives de septembre prochain et donc le destin politique du pays dont les engagements avec l’Union européenne se sont encore récemment renforcés.