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Brigitte Macron et Emmanuel Macron / CC BY 4.0

Non, la relaxe des deux femmes poursuivies pour diffamation ne confirme pas leur théorie de transidentité de Brigitte Macron

Création : 17 juillet 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste 

Relectrice et relecteur : Clara Robert-Motta, journaliste

Jean-Baptiste Thierry, professeur de droit pénal, université de Lorraine

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W

Source : Compte Facebook, le 10 juillet 2025

Le 10 juillet dernier, la Cour d’appel de Paris relaxe deux femmes accusées de diffamation par Brigitte Macron. Ces dernières affirmaient que la Première dame avait changé de genre. De nombreux internautes ont vu dans cette décision la confirmation de cette rumeur. C’est en réalité faux, les juges ne se sont pas prononcés sur la réalité de ce prétendu changement de genre.

La Cour d’appel de Paris aurait-elle conclu à la transidentité de Brigitte Macron ? C’est en tout cas ce qu’arguent certains internautes après la relaxe, le 10 juillet 2025, d’Amandine Roy et Natacha Rey. Condamnées en première instance, elles sont accusées de diffamation par la Première dame, à la suite de la diffusion d’une entrevue publiée en 2021 où elles échangeaient sur de prétendues preuves du changement de genre de celle-ci.

À en croire certaines publications, cette relaxe serait l’ultime preuve de la transidentité de la Première dame. « Si relaxe il y a, c’est que diffamation il n’y a pas ? […] S’il n’y a pas diffamation, c’est donc que Brigitte Macron est un homme ! », peut-on lire dans l’une d’entre elles.

Si la Cour n’a retenu aucune infraction de diffamation, cela ne signifie pas pour autant que leurs dires sur un changement de genre de Brigitte Macron sont véridiques.

Un fait qui ne peut être sujet à la diffamation

Prévue au premier alinéa de l’article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, la diffamation publique se définit comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

Trois éléments sont donc constitutifs de cette infraction : l’imputation d’un fait précis, une atteinte à l’honneur ou à la considération et le caractère public.

Ici, les juges ont considéré que « les propos des prévenus visent à dénoncer des mensonges sur l’identité de Mme Trogneux épouse Macron ». En effet, les deux femmes ont, lors de leur échange, étayé la thèse que Brigitte Macron « a menti sur son passé familial afin de rendre crédible la dissimulation de la véritable identité, en outre, qu’elle a menti en affirmant avoir été mariée à une personne […] qui n’a jamais existé », résume la Cour.

Mais pour la juridiction, ces propos « ne caractérisent pas l’imputation d’un fait illicite, d’un fait contraire à la morale ou d’un comportement contraire à la probité car il ne saurait être reproché à une personne transgenre de vouloir protéger sa vie privée et conserver le secret sur sa transition de genre ».

Autrement dit, pour ces juges, peu importe la réalité de cette affaire, le fait, pour n’importe qui, de souhaiter cacher une transidentité ne serait pas pénalement répréhensible ou immoral. Par conséquent, accuser quelqu’un de cacher son changement de genre ne peut être considéré comme une diffamation.

La Cour n’a donc aucunement donné raison aux internautes qui affirment que Brigitte Macron a changé de genre. Elle a simplement évacué la question, car non constitutive d’une diffamation.

Des articles de presse comme base factuelle

Pour ce qui est du « délit de diffamation envers particulier pour la seule imputation de détournement de mineur », la juridiction d’appel a par contre observé, de prime abord, que « de tels propos [sur un supposé détournement de mineur, ndlr] portent nécessairement atteinte à l’honneur ou à la considération ». Ces déclarations pouvaient donc constituer une diffamation.

Mais qui dit accusation, dit moyens de défense. Et pour la diffamation, il en existe quatre : l’accusé peut contester le caractère diffamatoire des propos poursuivis, l’immunité, l’exception de vérité et celle de bonne foi. Et c’est cette dernière que la Cour a ici retenue.

Ce moyen de défense se compose de quatre conditions. Les propos litigieux doivent s’inscrire dans un débat d’intérêt général et reposer sur une base factuelle suffisante. De plus, ils doivent avoir été émis avec prudence et mesure, sans animosité personnelle.

Brigitte Macron, étant « une personnalité publique bénéficiant d’une importante notoriété et particulièrement exposée dans les médias », les juges ont confirmé le fait que « les propos s’inscriv[ai]ent dans un débat d’intérêt général ».

En parallèle, ils ont relevé que les prévenues s’étaient appuyées sur divers articles de presse qui constituaient « une base factuelle diverse et suffisante, leur permettant d’évoquer un détournement de mineur ».

Après avoir coché ces deux conditions, la Cour a également noté « aucune animosité personnelle au sens du droit de la presse » et a validé le critère de prudence et de mesure des propos en défendant que « si les termes employés sont vifs, il est rappelé que les prévenues ne sont pas des journalistes professionnelles et que le ton de leurs propos est proche de celui des articles versés au titre de la base factuelle ».

Les quatre conditions étant retenues aux yeux des juges, les deux prévenues ont été relaxées au titre de la bonne foi, le 10 juillet 2025. À noter que la Cour d’appel ne s’est pas pour autant prononcée sur l’existence ou non d’un détournement de mineur. Elle a simplement souligné que les deux femmes s’appuyaient sur des articles et que « le fait de relayer dans une vidéo des informations largement diffusées par la presse et qui n’ont pas fait l’objet de poursuites ne saurait excéder les limites admissibles à la liberté d’expression ».

À la suite de cette décision, Brigitte Macron s’est pourvue en cassation.

Les Surligneurs ont consacré un dossier pour mieux comprendre la saga judiciaire autour de cette infox transphobe.