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« Contraception et dépistage au Territoire d’Action Départementale Seine Aval de Mantes-la-Jolie » par Département des Yvelines, CC BY-ND 2.0 filtre jaune

Prendre plusieurs fois la « pilule du lendemain » au cours d’un cycle menstruel la rend-elle inefficace ?

Création : 9 juillet 2025

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clarisse Le Naour, double cursus L3 science politique et L3 droit public à l’université Lumière Lyon II

Source : Compte Facebook, le 14 février 2025

Une vieille rengaine explique que la contraception d’urgence ne serait efficace qu’une seule fois par cycle menstruel. Une fausse affirmation, qui perdure malgré les recommandations précises données par les autorités de santé ces dernières années.

Depuis 2022, la « pilule du lendemain » est accessible gratuitement pour tout le monde et sans ordonnance, alors que ce n’était le cas auparavant que pour les mineures. Alors qu’en 2016, 6,2% des femmes âgées de 15 à 49 ans exposées à un risque de grossesse non prévue avaient eu recours à cette méthode d’urgence, elle reste encore méconnue.

Sur les réseaux sociaux, tout un chacun s’auto-adoube expert et les recommandations pleuvent concernant la santé des femmes. Parmi celles-ci, on retrouve une idée reçue : « La pilule du lendemain ne protège pas 2 fois dans le même cycle. Si tu en as déjà pris ce mois[-ci] alors tu es éliminée. Pense à une autre méthode pour ce soir », raille, moqueur, un internaute sur Facebook.

Sauf que cet avertissement est faux.

Pas d’ovule libéré, pas de fécondation

Pour comprendre l’erreur propagée sur les réseaux sociaux, il faut rappeler le fonctionnement de la contraception d’urgence sous forme de pilule. Elle consiste à ingérer un médicament hormonal qui va bloquer ou retarder l’ovulation – c’est-à-dire la « libération dans les voies génitales de la femme d’un ovule mature, prêt à fusionner avec un spermatozoïde pour former un œuf ». Donc, s’il n’y a pas d’ovule prêt à être fécondé, il n’y aura pas de risque de grossesse.

En revanche, si on a déjà ovulé, cette méthode contraceptive d’urgence ne fonctionnera pas, avertit Sophie Gaudu, gynécologue-obstétricienne et présidente du réseau Revho qui promeut l’accessibilité de l’interruption volontaire de grossesse en île-de-France.

En France, deux molécules sont disponibles sur le marché : le lévonorgestrel (maximum 72 heures après un rapport sexuel non ou mal protégé) et l’ulipristal acétate (maximum 120 heures). Ainsi, contrairement à l’appellation courante de « pilule du lendemain », la contraception d’urgence peut être utilisée jusqu’à cinq jours après le rapport. Pourtant, cette durée fait l’objet d’erreurs. D’après le baromètre de Santé publique France de 2016, parmi les 15-30 ans, deux personnes sur cinq pensent que la contraception d’urgence est efficace « uniquement si elle est prise dans les 24h après le rapport sexuel non ou mal protégé ».

Si le taux d’efficacité diminue, en effet, en fonction du temps écoulé après le rapport, il n’en devient pas nul pour autant. Selon le moment de la prise, de 1,2% à 2,1% des femmes qui ont utilisé le lévonorgestrel sont tombées enceinte après un rapport à risque, selon une méta-analyse citée par l’Organisation mondiale de la santé. Ce taux varie de 0,9 à 1,3% pour l’ulipristal acétate, selon une autre étude. Les pilules étant normées, leur efficacité est également moindre chez les femmes de plus de 80 kilos.

« C’est une contraception d’appoint qui n’est pas destinée à être utilisée régulièrement, rappelle Sophie Gaudu. Mais c’est toujours mieux que rien, et surtout ce n’est pas dangereux. »

Des recommandations des autorités de santé

Mais alors pourquoi cette idée de ne pas pouvoir prendre deux fois une « pilule du lendemain » dans un même cycle ? « C’est un vieux serpent de mer. J’ai très souvent entendu ce discours », se souvient Sophie Gaudu. Mais il n’en demeure pas moins faux.

Auparavant, la Haute autorité de santé (HAS) notait dans ses recommandations pour l’utilisation de la contraception d’urgence à l’ulipristal acétate de « ne pas [l’]utiliser plus d’une fois au cours d’un même cycle ». En 2015, cette phrase est supprimée et la suivante est ajoutée : « L’utilisation répétée de la contraception d’urgence [trois méthodes : lévonorgestrel, ulipristal acétate, et dispositif intra-utérin en cuivre, ndlr] est possible, mais n’est pas recommandée. »

Cette évolution était justifiée par « des raisons de bons usage, quel que soit le contraceptif d’urgence utilisé ». « En effet, outre le risque d’échec supérieur de cette méthode par rapport à une contraception régulière et l’absence d’effets indésirables notoires observés, la notion d’urgence est contradictoire avec un usage répété », faisait valoir l’HAS.

Autrement dit, il n’y a pas de contre-indication, mais si vous avez recours plusieurs fois par cycle à cette contraception d’urgence, mieux vaut se tourner vers une contraception continue, selon les recommandations médicales en vigueur.

Les notices des médicaments intègrent ces préconisations. Celle du lévonorgestrel du laboratoire Biogaran, indique, par exemple, que « vous ne devez utiliser [ce médicament] qu’en cas d’urgence et non comme méthode de contraception régulière. Si [ce médicament] est utilisé plus d’une fois au cours d’un cycle menstruel, il est moins fiable et plus susceptible de perturber votre cycle (règles). »

En effet, si on utilise la contraception d’urgence plusieurs fois dans le cycle, la possibilité de tomber sur un moment du cycle où l’ovulation a déjà eu lieu est plus importante, mais cela n’est pas lié au dosage ou à l’efficacité des molécules, contrairement à certaines préconceptions.