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Philippe de Villiers lors de son meeting à Toulouse le 16 avril 2007 dans le cadre de sa campagne pour l'élection présidentielle de 2007 (Guillaume Paumier / CC BY-SA 3.0)

En comptabilisant son temps de parole, l’Arcom a-t-elle vraiment censuré Philippe de Villiers ?

Création : 8 juillet 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteur : Philippe Mouron, professeur de droit privé à l’Université d’Aix-Marseille, directeur du Master Droit des communications électroniques

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W

Source : Compte Facebook, 24 juin 2025

En pleine campagne des européennes de 2024, l’Arcom avait exigé le décompte du temps de parole des soutiens politiques, y compris celui de l’ancien député européen Philippe de Villiers. Contestant cette décision, ce dernier a saisi le Conseil d’État, estimant qu’elle portait atteinte à sa liberté d’expression. Mais l’Arcom ne fait pas de différence entre les personnalités politiques actives ou non.

En mars 2024, l’Arcom avait enjoint les éditeurs de télévision et de radio de décompter le temps de parole des candidats aux élections européennes et de leurs soutiens. Parmi ces derniers, Philippe De Villiers, chroniqueur récurrent sur CNews et soutien actif d’Eric Zemmour, n’a pas fait exception à la règle. Une décision qui a fait grand bruit à l’époque.

Cette affaire refait pourtant surface un an plus tard. Philippe De Villiers a en effet saisi le Conseil d’État pour contester cette décision du gendarme de l’audiovisuel. Une audience devant le juge s’est tenue le 16 juin 2025. À cette occasion, l’ancien secrétaire d’État et président du département de la Vendée a remis en cause le décompte de son temps de parole, dénonçant une atteinte à sa liberté d’expression et se considérant comme étant « en retraite de la vie politique active ».

Il a ainsi reçu le soutien de Florian Philippot, de Gilbert Collard, ou de certains internautes qui affirment que le fondateur du Puy du Fou ne peut pas être classé comme une personnalité politique, son dernier mandat de député européen ayant pris fin en 2014. Mais alors, pourquoi l’Arcom a pris cette décision ?

Le respect du pluralisme pendant les périodes électorales

Le pluralisme politique dans les médias audiovisuels fait l’objet de règles spécifiques en période électorale. L’article 16 de la loi du 30 septembre 1986 confie à l’Arcom le soin d’émettre des recommandations. L’autorité de régulation a pris une délibération le 4 janvier 2011 qui pose un cadre général de recommandations, complété plus particulièrement à chaque période électorale.

L’article 2 de cette délibération impose aux éditeurs d’assurer une présentation équitable des candidats, ainsi que des « personnalités » et des « partis et groupements politiques qui les soutiennent ». Ce terme inclut, par exemple, une figure politique sans mandat, mais médiatiquement influente, à l’instar de Philippe de Villiers ou Jean-Luc Mélenchon.

Pour les dernières élections européennes, l’Arcom a publié une recommandation le 6 mars 2024, applicable dès le 15 avril 2024.

À compter de cette date, l’équité impose de prendre en compte les résultats électoraux passés, les scrutins récents et les sondages. La recommandation insiste sur les « soutiens » des listes, dont les temps de parole doivent être relevés et transmis à l’Arcom. Il n’est donc pas nécessaire qu’une personne ait un mandat en cours pour être perçue comme une personnalité politique.

Le décompte de l’expression des idées, pas des personnes

Le Conseil d’État a rendu une décision ce 4 juillet 2025, pour une affaire distincte, précisant l’exigence de pluralité à la télévision et à la radio. Le juge rappelle que, pour veiller au respect du pluralisme politique, « l’Arcom doit porter une appréciation globale sur la diversité des expressions, sans avoir à qualifier ou classer les participants aux programmes au regard des courants de pensée et d’opinion ».

Il fait suite à la décision Reporters Sans Frontières de 2024, dans laquelle il enjoint l’Arcom de prendre en compte le temps de parole, non pas seulement des personnalités politiques, mais aussi des chroniqueurs, animateurs et invités.

L’Arcom a donc une grande marge de manœuvre dans son rôle de garante du pluralisme politique dans les médias, mais toujours sous le contrôle du juge. Un principe que devrait rappeler le Conseil d’État dans l’affaire qui concerne Philippe de Villiers, dont la décision est attendue pour bientôt.

Il faudra avoir en tête que même si le Conseil d’État étudie ce cas en 2025, il doit juger au moment de la décision de l’Arcom de mars 2024, c’est-à-dire en période électorale. Et qu’il ne s’agit pas de censurer la parole de telle ou telle personnalité, mais de la partager équitablement.