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Image d'illustration - ds_30 / Licence de contenu Pixabay

Attention à ces publications qui affirment qu’augmenter son taux de cholestérol allonge l’espérance de vie

Création : 19 juin 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Jean-Baptiste Breen, étudiant en master de journalisme à Sciences Po Paris

Source : Compte Facebook, le 26 mai 2025

D’après certains internautes, un taux de cholestérol important allongerait la durée de vie. Des propos dangereux : l’excès de cholestérol est un facteur de risque dans les maladies cardio-vasculaires, deuxième cause de mortalité en France.

Est-ce un retour en grâce pour le cholestérol ? À en croire certaines internautes, « un taux de cholestérol plus élevé est associé à une durée de vie plus longue ». Autrement dit : ne le comptez plus, le cholestérol vous veut du bien.

« À nous les terrines et les bons bourguignons », s’exclame un internaute. Mais cette nouvelle qui en réjouit plus d’un, interpelle. Après avoir été abominé pendant toutes ces années, le cholestérol serait-il vraiment devenu le synonyme de bonne santé ?

Pour corroborer cette théorie surprenante, des internautes partagent un article listant plusieurs études scientifiques qui confirmeraient ladite thèse. Mais d’après divers experts interrogés par Les Surligneurs, l’allégation émise par les internautes est trompeuse.

D’intrigantes études

Provenant d’une part de l’alimentation et d’autre part de sa fabrication par l’organisme, le cholestérol est un type de graisse. Et, selon l’article de presse sur lequel paraissent se baser certains internautes, divers travaux scientifiques lui trouvent quelques similitudes avec la fontaine de Jouvence.

Problème : les études mentionnées dans l’article ne sont ni citées précisément, ni datées. Après vérification, Les Surligneurs ont identifié plusieurs travaux scientifiques dont les conclusions semblent correspondre à celles évoquées.

Parmi ces recherches, une étude du Honolulu Heart Program, publiée dans The Lancet en 2001, conclut effectivement que les auteurs n’ont « pas été en mesure d’expliquer [leurs] résultats. Ces données mettent en doute la justification scientifique de l’abaissement du cholestérol à des concentrations très basses chez les personnes âgées ». Autrement dit, selon cette étude, réduire fortement le cholestérol chez les personnes âgées ne serait pas forcément bénéfique et pourrait même être remis en question sur le plan scientifique.

Une autre étude, menée par des chercheurs aux Pays-Bas et publiée en 1997, a également été retrouvée par Les Surligneurs. Elle conclut que « chez les personnes âgées de plus de 85 ans, des concentrations élevées de cholestérol total sont associées à la longévité en raison d’une mortalité plus faible due au cancer et à l’infection ».

Une troisième étude, japonaise cette fois ci, publiée dans les Annals of Nutrition & Metabolism en 2015, affirme que « de nombreuses études menées au Japon montrent que le cholestérol joue un rôle très positif sur la santé » et considère que le cholestérol devrait être considéré « comme un ami et non comme un ennemi ».

Une ignorance sur les produits du cholestérol

Que faut-il alors penser de ces différentes études ? D’autant que ce ne sont pas les seules à susciter des interrogations quant à leurs conclusions. Par exemple, une analyse menée ces dernières années en Sardaigne — une région connue pour la longévité de sa population âgée — révèle que la plupart des personnes étudiées présentaient un taux de cholestérol supérieur à la moyenne.

Cependant, même si cette étude montre une « corrélation positive » entre un taux de cholestérol élevé et une grande longévité, la « relation de causalité reste à établir », nuance Marc Poirot, directeur de recherche à l’Inserm, spécialiste du cholestérol.

Autrement dit, le fait d’avoir un cholestérol élevé ne signifie pas nécessairement qu’il est la cause de cette longévité. D’autant plus que, selon lui, « ce n’est pas une étude qui est extrêmement importante en termes de nombre [81 hommes et 87 femmes, ndlr] ». Il précise toutefois que cette piste pourrait « susciter des études complémentaires pour essayer de voir qu’est-ce qui est responsable de quoi ».

Selon lui, ces zones d’ombre dans certains travaux scientifiques s’expliquent notamment par l’ignorance qui règne autour des produits issus de la transformation du cholestérol. « Il y a énormément de confusion parfois parce que l’on considère que c’est le cholestérol lui-même qui est actif et on n’imagine pas, par exemple, qu’il puisse être transformé en d’autres substances à travers son métabolisme », expose-t-il. Alors, qu’ « on sait aujourd’hui que le cholestérol est à l’origine de la production de substances très actives ».

Ainsi, certains résultats scientifiques pourraient s’expliquer non pas par le cholestérol mais par les produits qu’ils créent en se transformant. Ce ne serait donc pas lui le responsable direct de certains effets. Dans le cas de l’étude en Sardaigne, « peut-être que ces personnes ont des gènes qui vont favoriser la transformation de ce cholestérol vers des substances qui auront des effets protecteurs ». Ce qui pourrait expliquer leur longévité, sans que le cholestérol, en lui-même, n’en soit responsable.

Une critique qui marche également concernant certaines des études avancées dans l’article de presse. En effet, ces dernières se sont notamment appuyées sur une population japonaise pour effectuer leurs travaux. Or, « les Japonais ont des taux de cholestérol spontanés beaucoup plus bas que les populations occidentales », constate Philippe Amouyel, professeur des universités et praticien hospitalier au CHU de Lille.

Les maladies cardio-neurovasculaires, deuxième cause de mortalité en France

Le cholestérol joue un rôle indispensable dans l’organisme, notamment en tant que principal élément pour la fabrication des hormones, comme le rappelle Philippe Amouyel. Cependant, si ses effets peuvent être bénéfiques à dose normale, un taux trop élevé devient dangereux et constitue un facteur de risque majeur pour les maladies cardio-neurovasculaires, deuxième cause de mortalité en France. « Le problème se pose quand il est trop élevé », souligne le professeur des universités.

« Le lien entre le cholestérol et les maladies cardiovasculaires n’est plus discutable en 2025. On a un niveau de preuve extrêmement solide qui repose sur des études de différents types », confirme Sophie Beliard, médecin endocrinologue à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille.

Un lien certain entre le cholestérol et les maladies cardiovasculaires

Parmi ces preuves figurent les études de randomisation mendélienne, qui permettent d’observer l’influence de certaines associations génétiques sur les taux de cholestérol. Ces travaux montrent que certains gènes prédisposent à des taux naturellement plus bas ou plus élevés, explique la médecin endocrinologue aux Surligneurs.

Or, « il a été démontré que les gens qui ont des taux bas de cholestérol génétiquement déterminé font moins de maladies cardiovasculaires que les gens qui ont des taux élevés et les gens qui ont des taux élevés de cholestérol de façon génétiquement déterminé font plus de maladies cardiovasculaires », argue-t-elle.

Par exemple, dans une méta-analyse qui combine différents travaux de randomisation mendélienne, publiée dans le Journal of the American College of Cardiology, en 2012, les auteurs concluent qu’un taux de cholestérol bas « dès le début de la vie est associé à une réduction nettement plus importante du risque de maladie coronarienne » que s’il est abaissé « plus tard dans la vie ».

Autres travaux prouvant le lien entre un fort taux de cholestérol et les maladies cardiovasculaires : des études randomisées en double-aveugle. Dans ces dernières, ni le médecin ni le patient ne sait s’il reçoit un médicament en test ou un placebo. Il est ainsi possible d’observer, sans biais de la part des parties à l’expérience, si le traitement est efficace.

Concernant les maladies cardiovasculaires, cela s’apparenterait par exemple à donner des statines  — des médicaments pour baisser le taux de cholestérol — à un patient et de fournir à un autre un placebo. C’est en se basant notamment sur des études de ce type qu’un travail, publié dans le Journal of American Medical Association en 2016, a démontré que les traitements par statine permettent de réduire le risque de mortalité due aux maladies cardiovasculaires.

« Quels que soient la manière et le traitement pour faire baisser le taux de cholestérol, dans ces essais randomisés à double aveugle, ça baisse le risque de faire une maladie cardiovasculaire et la mortalité cardiovasculaire », confirme Sophie Beliard.

Ainsi, même si « chaque niveau de preuve n’est pas parfait, c’est le faisceau de l’ensemble de ces études qui vont dans le même sens qui rend les preuves solides », conclut-elle.

De fait, au vu de la place prépondérante des maladies neuro-cardiovasculaires parmi les causes de mortalité en France, il apparaît difficile de confirmer les dires des internautes. Un excès de cholestérol peut être dangereux pour la santé et avoir de fatales conséquences. A contrario, appuie Philippe Amouyel : « lorsque l’on réduit le taux de cholestérol de quelqu’un qui a un risque cardiovasculaire élevé, cela améliore sa survie et ça diminue sa mortalité ».