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Gaza : 14 000 bébés risquent de souffrir de malnutrition aiguë d’ici dix mois, mais pas en 48 heures

Création : 28 mai 2025

Autrice : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W

Relecteur : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Tom Fletcher à la BBC, le 20 mai 2025

Depuis plusieurs jours, une information alarmante circule sur les réseaux sociaux : 14 000 bébés palestiniens seraient en danger de mort dans les 48 heures, faute d’aide humanitaire, bloquée par Israël. En réalité, ce chiffre repose sur une confusion d’un haut responsable de l’ONU : il s’agit du nombre d’enfants susceptibles de souffrir de malnutrition aiguë grave sur une période d’un an, en cas de blocus prolongé.

Depuis octobre 2023, le ministère de la Santé de Gaza dénombre 53 000 morts et 122 000 blessés côté palestinien. Dans ce contexte humanitaire dramatique, une nouvelle alerte a pris de l’ampleur dans les médias et sur les réseaux sociaux :« 14 000 bébés palestiniens vont mourir dans les 48 heures si l’aide humanitaire reste bloquée par Israël », écrits sur le réseau social X, la députée La France Insoumise Clémence Guetté, le 21 mai 2025.

D’autres élus comme David Giraud (LFI) et Marine Tondelier (écologiste) ont relayé des messages similaires. Pourtant, cette affirmation repose sur une mauvaise interprétation.

Une confusion d’un membre de l’ONU

Tout part d’une interview donnée par Tom Fletcher, secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires de l’ONU, à la BBC le 20 mai 2025. Il y alerte sur l’urgence d’acheminer de la nourriture dans Gaza : « Il y a 14 000 bébés qui vont mourir dans les 48 heures si on ne peut pas les atteindre », déclare-t-il.

La journaliste Anna Foster s’étonne de cette information : « Quatorze mille bébés en 48 heures, c’est un chiffre extraordinaire. » Et pour cause : le chiffre cité ne correspond pas à un risque imminent, mais à une projection annuelle en cas de poursuite du blocus.

Une estimation sur dix mois

Dès le lendemain de l’interview, l’ONU est revenue sur les propos de son représentant, à la suite d’une demande de précision de la BBC. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) a expliqué que le chiffre provenait en fait de l’Integrated Food Security Phase Classification (IPC), un dispositif international de suivi de la sécurité alimentaire.

« Près de 71 000 cas annuels de malnutrition aiguë chez les enfants âgés de 6 à 59 mois chez les enfants âgés de 6 à 59 mois, dont 14 100 cas graves, devraient survenir entre avril 2025 et mars 2026 », peut-on lire dans un rapport de l’IPC publié le 12 mai 2025 sur la situation de la malnutrition dans la bande de Gaza.

Contacté par Les Surligneurs, le bureau du porte-parole du Secrétaire général de l’ONU reconnaît l’imprécision. « Nous avons immédiatement précisé que le chiffre de 14 000 jeunes enfants palestiniens exposés au risque de malnutrition sévère provenait d’un rapport de l’Integrated Phase Classification (IPC) qui indiquait que cela pourrait se produire sur une période de dix mois. Nous avons tout de suite clarifié que, bien qu’il soit urgent d’apporter de la nourriture à ces enfants, il n’y a pas de délai de 48 heures. »

Situation toujours critique à Gaza

Depuis la reprise de l’aide humanitaire dans la nuit du 21 au 22 mai 2025, l’urgence reste extrême. Déjà en février 2025, 92 % des enfants de 6 à 23 mois et des femmes enceintes ou allaitantes ne couvraient pas leurs besoins nutritionnels, selon les Nations Unies.

L’IPC alerte également que 470 000 personnes font face à des conditions de famine, tandis que l’ensemble de la population palestinienne souffre d’une insécurité alimentaire aiguë.