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Photo : Conseil d'Etat

Le Conseil d’État sauve les activités ludiques en prison : une atteinte à l’État de droit ?

Création : 23 mai 2025
Dernière modification : 22 mai 2025

Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers

Relecteurs : Jean-Paul Markus, professeur de droit public à l’Université Paris-Saclay

Etienne Merle, journaliste 

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Matthieu Valet, député européen RN, le 19 mai 2025

Le Conseil d’État a censuré l’interdiction des activités ludiques en prison, prévue par une circulaire de février 2025. Une application stricte du droit, malgré les critiques.

Le Conseil d’État sauve les activités ludiques en prison : une atteinte à l’État de droit ?En février 2025, Gérald Darmanin avait pris une circulaire pour encadrer les activités des détenus dans les centres pénitentiaires. Les instructions du Garde des Sceaux prévoyaient d’interdire les activités “provocantes” et “ludiques”.

Saisi par des syndicats et des associations, le Conseil d’État a validé la circulaire, à un mot près. Le juge administratif a annulé l’interdiction d’activités dites “ludiques” en milieu carcéral, qu’il a considérée comme contraire au code pénitentiaire. 

Les réactions n’ont pas tardé. Parmi elles, l’eurodéputé du Rassemblement national, Matthieu Valet, critiquel’État de droit version Conseil d’État”. Un internaute dénonce également : “Tu es ministre de la Justice, tu ne peux même pas décider si les détenus ont le droit ou pas de faire du karting pendant leur détention. C’est un juge administratif de 28 ans qui décide. Et ils appellent ça l’état de droit”. L’État de droit aurait-il été dévoyé par le Conseil d’État ? En réalité, c’est l’inverse.

Une circulaire contraire à l’état de droit

Dans sa décision, le juge invoque l’article R411-8 du code pénitentiaire, qui autorise les personnes détenues à participer “à des activités collectives ou à des jeux excluant toute idée de gain”. Donc, dès lors que les jeux sont autorisés par décret, le ministre de la Justice ne peut pas par simple circulaire (autrement dit un ordre écrit aux agents de son administration) “exclure, par principe, que soient organisées des activités […] ludique[s]”, rappelle le Conseil d’État.

Le juge applique donc le droit tel qu’il figure dans le code pénitentiaire. C’est bien là la définition d’un État de droit. Si Gérald Darmanin, ou d’autres, considèrent que l’état de la réglementation ne leur convient pas, libre à eux de proposer une réforme du code pénitentiaire, et le juge appliquera cette nouvelle version.

Imaginons un autre cas : le code des étrangers prévoit certains cas de régularisation d’étrangers en situation irrégulière, mais le ministre de l’Intérieur adresse une circulaire aux préfets prévoyant des régularisations systématiques. Imaginons que, saisi par certaines associations, le Conseil d’État annule cette circulaire contraire au code des étrangers. Atteinte à l’État de droit ?