Non, l’UE n’a pas autorisé l’ajout d’ocytocine dans l’eau du robinet pour favoriser l’accueil des personnes migrantes
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relectrice : Maylis Ygrand, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Maylis Ygrand, journaliste
Source : Compte Facebook, le 6 mars 2025
Certains internautes sont convaincus que l’Union européenne a autorisé l’ajout d’ocytocine dans l’eau du robinet afin de rendre la population plus altruiste envers les étrangers. Des rumeurs similaires circulent depuis 2017 et la publication d’une étude sur l’impact de l’ocytocine sur les comportements xénophobes. Sauf que ces conclusions ont été dévoyées.
Notre taux d’ocytocine ferait-il l’objet de manipulations ? Dans une vidéo publiée en 2018 par Le Figaro, le mathématicien et philosophe, Olivier Rey affirmait avoir « pris connaissance » d’un « article sur le rôle que pourrait jouer l’ocytocine pour rendre les populations caucasiennes accueillantes aux migrants ».
Certains internautes vont même plus loin et accusent « l’Union européenne [d’]autorise[r] l’ajout d’ocytocine (molécule hormone du bonheur) dans l’eau du robinet pour rendre les populations plus dociles ».
Mais ces allégations sont en réalité fausses. Les Surligneurs reviennent sur cette infox, qui était déjà relayée en 2017.
Aucune trace dans les textes européens
Les Surligneurs ont eu beau farfouiller dans les textes de loi européens : aucune trace d’une quelconque autorisation d’ocytocine dans l’eau du robinet. À vrai dire, dans la dernière directive sur l’eau, adoptée en décembre 2020, le mot « ocytocine » n’est pas mentionné une seule fois en 62 pages.
Au contraire, la Commission européenne souhaite à travers cette directive favoriser « la lutte contre les polluants émergents, tels que les perturbateurs endocriniens et les Pfas [polluants éternels, ndlr], ainsi que les microplastiques ».
À défaut d’être appliquée par l’Union européenne, l’utilisation d’ocytocine pour promouvoir l’immigration serait-elle étudiée ? C’est en tout cas ce qu’insinue Olivier Rey. Le mathématicien — qui n’a pas répondu aux questions des Surligneurs — semble se référer ici à une étude de l’université de Bonn de 2017.
Des conclusions dévoyées
Cette étude s’intéressait « dans un contexte de mondialisation rapide » aux mécanismes neurobiologiques qui « forcent les comportements prosociaux et contrecarrent la xénophobie ».
L’équipe de chercheurs s’est donc penchée sur les effets de l’ocytocine. Les expériences visaient à tester l’altruisme des participants à l’égard de personnes dans le besoin, dont la moitié étaient présentées comme des réfugiés. Les cobayes disposaient à chaque fois de 50 euros et pouvaient faire don d’un euro maximum par personne.
Sous l’influence de l’ocytocine, les participants qui se disaient déjà altruistes envers les étrangers étaient plus généreux. « En revanche, les participants présentant des niveaux plus élevés de xénophobie n’[avaient] généralement pas fait preuve d’un altruisme accru envers le groupe externe », peut-on lire dans l’étude.
Ce n’est que lorsque ces derniers ont su qu’ils donnaient moins d’argent que les autres qu’ils ont fini par mettre la main au porte-monnaie.
« Ces résultats suggèrent que la combinaison de l’ocytocine et des normes altruistes issues des pairs réduit le rejet des groupes extérieurs, même chez les individus les plus égoïstes et xénophobes », conclut ainsi l’étude.
L’étude pronostique-t-elle pour autant d’ajouter de l’ocytocine dans l’eau du robinet ? Aucunement. « Ce sont des bêtises », nous confirme Nina Marsh, l’une des autrices de cette étude.
Dans un précédent article consacré à la désinformation sur l’ocytocine, de nombreux spécialistes rappelaient aux Surligneurs le lien entre l’hormone et les interactions sociales.