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Les corps de civils ukrainiens exhumés à Boutcha, en avril 2022 - Voice of America Ukraine / Domaine public

Non, le massacre de Boutcha n’était pas une mise en scène des Ukrainiens et du MI6

Création : 18 avril 2025

Autrice : Maylis Ygrand, journaliste

Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste

Source : Compte Facebook, le 7 avril 2025

Cette rumeur a été lancée par une source peu fiable, tandis que les preuves laissent en réalité peu de doutes sur la responsabilité russe dans cette tuerie.

En avril 2022, le massacre de Boutcha est révélé au grand jour. Après un mois d’occupation russe dans cette ville située non loin de Kyiv, les images de dizaines de corps de civils gisant dans les rues de la ville font le tour du monde.

Aussitôt, Moscou se dédouane de toute responsabilité dans cette tuerie, dénonçant une « mise en scène bien orchestrée ». Trois ans plus tard, des internautes alimentent toujours les contre-récits du Kremlin et de ses alliés.

Certains d’entre eux affirment ainsi que « le massacre de Boutcha, soi-disant perpétré par les Russes, n’était qu’une mise en scène des Ukrainiens et du MI6 anglais ». La source de cette théorie ? Un ancien député ukrainien du nom d’Ilya Kiva.

Sauf que l’élu, décédé en 2023 après avoir fait défection du côté russe, est une source peu fiable. De nombreux éléments confirment en réalité la responsabilité russe dans le massacre.

Une source peu fiable

Outre ces allégations, relayées par l’ambassade de Russie en France, les internautes prétendent que l’ancien parlementaire ukrainien a encore en sa possession « les vidéos de visioconférence, appels, plans, etc., et des pièces confidentielles montrant comment les officiers ukrainiens ont mis cela en place ». Or, Ilya Kiva n’a jamais montré l’ombre d’une preuve pour confirmer ses dires.

De plus, ce dernier est connu pour avoir servi les intérêts russes. Ancien membre du parti prorusse Plate-forme d’opposition pour la vie, il avait fui en Espagne, puis vers la Russie, quelques jours avant le début de la guerre, pour y demander la nationalité russe. Il a été retrouvé mort en décembre 2023, près de Moscou.

Des preuves accablantes de la responsabilité russe

A contrario, les preuves mettant en cause l’armée russe ne cessent de s’accumuler depuis la découverte du massacre de Boutcha. Une enquête du New York Times, publiée en décembre 2022, démontre l’implication du 234e régiment d’assaut aérien et du lieutenant-colonel Artyom Gorodilov dans le massacre de la rue Yablunska, à Boutcha.

Une conclusion qui s’appuie sur huit mois d’enquête et d’analyses de milliers d’heures de vidéos provenant de caméras de rue, de téléphones d’habitants et de drones pilotés par l’armée ukrainienne. Le quotidien états-unien a recoupé ces images avec des témoignages d’habitants, des conversations radio et téléphoniques, ainsi que des documents gouvernementaux laissés par les Russes.

Cette enquête concorde avec les travaux de multiples médias et ONG. Selon un article du média allemand Der Spiegel, les services de renseignement allemands auraient intercepté des conversations radiophoniques entre soldats russes qui confirmeraient que certains meurtres à Boutcha ont été commis par les Russes. En parallèle, des images de drone, relayées et authentifiées par l’ONG Bellingcat, montrent que les Russes ont ouvert le feu sur un homme à bicyclette à Boutcha.

381 personnes sont mortes pendant l’occupation russe de la ville de Boutcha, selon le service ukrainien de la BBC. Le bilan grimpe à 554 décès dans la collectivité territoriale et à environ 1 200 dans le district. L’appellation de ces deux zones administratives, également traduites en « Boutcha », a pu susciter de la confusion quant au bilan du massacre, qui s’est aussi déroulé en dehors des frontières de la ville.