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Crédit : CC0

Non, Tesla ne va pas construire une usine au Maroc

Création : 17 avril 2025

Auteur : Nicolas Turcev, journaliste

Relectrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte Facebook, le 9 avril 2025

La rumeur de l’arrivée du constructeur sur le continent africain s’est répandue comme une traînée de poudre sur Internet, début avril. Il s’agit en réalité d’un canular, faussement attribué à un journal économique marocain.

Une gigafactory Tesla bientôt en construction au Maroc ? La rumeur de l’arrivée du constructeur en Afrique a fait le tour du web francophone. Il faut dire que l’annonce est impressionnante : le supposé plan d’investissement de l’entreprise dans le royaume est évalué à 5 milliards d’euros, selon plusieurs internautes.

D’après un utilisateur de Facebook, la future usine sortira de terre à Kénitra, sur la côte Atlantique, au nord de Rabat, et pourra produire 400 000 véhicules chaque année. Le projet permettrait la création de 25 000 emplois. La mise en production débuterait à la fin 2027.

« Elon Musk [le patron de Tesla, ndlr] mise sur la stabilité du Royaume, sa main-d’œuvre qualifiée et ses infrastructures logistiques de pointe. Au-delà de l’investissement, c’est un pari technologique et énergétique : transfert de savoir-faire, montée en gamme industrielle, et soutien à la transition vers une mobilité propre », assure l’internaute.

Ces informations sont attribuées au très sérieux journal économique marocain L’Economiste. Pourtant, Les Surligneurs n’ont pas pu retrouver la trace d’un tel article. Et pour cause : tout est faux.

Un canular du 1er avril

Le premier élément qui permet de détecter la supercherie est le nom de la supposée journaliste qui aurait écrit l’article attribué au quotidien, dont des extraits circulent sur les réseaux sociaux : Leila Benjelloun. Une rapide recherche Internet permet de constater qu’aucun article de L’Economiste signé de ce nom n’apparaît dans les résultats. Il est plus probable qu’il s’agisse d’un nom emprunté : Leila Benjelloun, décédée en 2024, était une médecin et femme d’affaires connue au Maroc pour être l’épouse du milliardaire Othman Benjelloun.

Contactée par Les Surligneurs, la rédaction de L’Economiste confirme le canular. « Il s’agit d’un poisson d’avril » organisé par des internautes et repéré par la rédaction du journal sur des discussions WhatsApp, indique Meriem Oudghiri, rédactrice en chef du journal. Le quotidien s’en est amusé dans un court billet, paru dans l’édition du 3 avril. L’annonce de l’arrivée de Tesla « attribuée à L’Economiste […] [a] fait le buzz sur WhatsApp », écrit la rédaction, qui s’étonne du niveau de précision de la désinformation.

« Pour un poisson d’avril économique, les auteurs anonymes se sont appuyés sur la crédibilité de L’Economiste pour que la fake news soit prise très au sérieux, remarque le journal. Dommage, nous aurions souhaité publier cela nous-mêmes le 2 avril, comme une vraie information. » Au moment de la publication de cet article, L’Economiste n’avait pas encore pu transmettre aux Surligneurs des captures d’écran des discussions WhatsApp repérées par le journal.

Jointe par Les Surligneurs, la mairie de Kénitra, où doit supposément s’installer l’usine Tesla, confirme qu’il s’agit d’un canular. Par ailleurs, aucun communiqué relatif à la construction d’une usine au Maroc ne figure sur le site officiel de Tesla. Son patron, Elon Musk, n’a pas non plus mentionné ce projet sur son compte X. Contacté, le constructeur n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Tesla est en difficulté depuis que son patron, Elon Musk, est devenu un maillon important de l’administration Trump. Les ventes de ses voitures ne cessent de chuter, tandis que les appels au boycott se multiplient.

La récente guerre commerciale lancée par Donald Trump avec la hausse générale des tarifs douaniers n’arrange pas les affaires du constructeur qui a stoppé, le 11 avril, les commandes passées en Chine pour deux de ses modèles. La veille, les autorités chinoises avaient décidé la hausse réciproque des droits de douane chinois sur les produits importés des États-Unis, où sont produits ces véhicules.