Un faux journal centré sur la situation en RDC est attribué à tort à RFI
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Nicolas Turcev, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article :
L’auteur est pigiste pour Radio France Internationale.
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, étudiante en journalisme à l’École W
Source : Compte Facebook, le 2 avril 2025
Reprenant la voix de journalistes de la station, le supposé journal a été largement relayé sur les réseaux sociaux. Pourtant, comme l’a rapidement indiqué RFI, il s’agit d’un faux journal, réalisé grâce à l’intelligence artificielle.
En République démocratique du Congo, l’instabilité politique et militaire qui touche, depuis le début de l’année, l’est du territoire, charrie son lot de désinformations. Début avril, de nombreuses publications, notamment sur Facebook, ont circulé affirmant que Corneille Nangaa, le coordonnateur de l’Alliance fleuve Congo (AFC), alliée aux rebelles du M23, « dépose les armes, présente ses excuses publiques au peuple congolais et sollicite l’amnistie présidentielle auprès du chef de l’État, Felix Antoine Tshisekedi ».
Pour corroborer ces allégations, ces posts relaient ce qui semble être un journal de Radio France internationale (RFI), très présent en Afrique.
On peut y déceler la voix d’un journaliste de la radio, Arthur Ponchelet, mais aussi celle d’Aurélie Bazzara-Kibangula, la correspondante de France 24 en RDC, ou encore, celle de Corneille Nangaa.
Toutefois, comme le suggère la mauvaise qualité audio et technique de ce « journal », il s’agit d’une pure création, générée par l’intelligence artificielle, comme RFI l’a aussi indiqué.
Une invention de l’IA
Le 4 avril 2025, le journaliste Grégory Genevrier, chargé de la chronique « Les dessous de l’infox » de la station publique, révèle que « les propos attribués aux trois interlocuteurs ont été fabriqués de toutes pièces. Ce contenu est faux sur la forme, mais aussi sur le fond, puisque contrairement à ce que l’on entend, Corneille Nangaa n’a ni annoncé qu’il déposait les armes, ni demandé des excuses ou une grâce présidentielle ».
Sur X, des membres du AFC et du M23 démentent également, dès le 2 avril, les informations avancées. « Aucune âme consciente peut donner du crédit à ce montage. L’AFC/M23 est un corps, inséparable, insécable, obnubilé par un changement rationnel », écrit sur son compte Willy Ngoma, le porte-parole de la branche militaire du M23.
De son côté, le média spécialisé dans la vérification d’informations, Congo Check, traite le sujet et indique, sur la base de recherches effectuées avec un outil spécialisé, qu’« il s’agit d’un montage à l’aide de l’intelligence artificielle [avec] un score de [probabilité de] 99,9 % ».
Le média assure également avoir échangé avec Aurélie Bazzara-Kibangula, la correspondante de France 24 dont on croit entendre la voix dans les posts trompeurs. « C’est totalement un fake. Je n’interviens pas sur RFI et c’est encore moins ma voix », précise-t-elle à Congo Check.
D’où proviennent alors ces fausses informations ? Difficile à dire, tant la désinformation est devenue une arme facile à manier en temps de conflit.
Une opération russe ?
L’usurpation d’un logo et de contenus d’un média officiel n’est pas sans rappeler une méthode couramment employée par la propagande russe, comme le suggère aux Surligneurs, Maxime Audinet, chercheur à l’Institut de recherches stratégiques de l’école militaire (IRSEM).
Même si, précise l’auteur d’Un média d’influence d’État : enquête sur la chaîne russe RT (INA, 2024), « en l’état, il n’est pas possible [d’]affirmer [qu’il s’agit d’une opération russe], d’autant plus qu’il est devenu facile de générer ce genre de contenus grâce à l’IA ».
Sur X, Lawrence Kanyuka, porte-parole de l’AFC et du M23, prétend, sans le prouver, que ce faux journal a été « réalisé par le régime aux abois de Kinshasa pour occulter l’adhésion massive de nos compatriotes à l’AFC/M23 tant au niveau national que dans la diaspora ».
Seule certitude, la diffusion du clip audio relève de la pure désinformation et vise à tromper les utilisateurs des réseaux sociaux.