L’Agence nationale de traitement automatisé des infractions est-elle illégale ?
Auteur : Guillaume Baticle, doctorant en droit public, université de Poitiers
Relecteur : Bertrand-Léo Combrade, professeur de droit public, université de Poitiers
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Nicolas Turcev, journaliste
Source : Compte Facebook, le 8 février 2025
Un internaute a partagé une longue lettre adressée au directeur de l’organisme chargé de traiter les contraventions routières pour dénoncer son illégalité. Mais point après point, l’accusation s’effrite.
Vers la fin des contraventions ? Dans une longue et confuse lettre ouverte au directeur de l’Agence nationale du traitement automatisé des infractions (ANTAI), un internaute dénonce l’illégalité de l’agence publique et des amendes qu’elle délivre. Mais au risque de décevoir, la fin des sanctions au portefeuille pour excès de vitesse n’est pas pour tout de suite.
Un directeur illégal à la tête de l’ANTAI ?
Première cible de la lettre : son destinataire, le directeur de l’ANTAI, Laurent Fiscus. Selon la publication, ce dernier serait à la fois directeur de l’ANTAI et préfet du Calvados. Il faut préciser que l’auteur du post considère l’agence comme une entreprise privée, un point sur lequel nous reviendrons. Le cumul entre dirigeant d’entreprise privée et agent public est effectivement interdit par le code général de la fonction publique.
Or, il n’y a pas de cumul. Laurent Fiscus a été nommé à la tête de l’agence par un décret à compter du 6 janvier 2020, puis reconduit à compter du 6 janvier 2023. Il a cessé ses fonctions de préfet du Calvados, qu’il occupait depuis le 1er janvier 2016, par un décret à compter du 6 janvier 2020. Laurent Fiscus n’occupe donc pas simultanément les fonctions de préfet et de directeur de l’ANTAI.
L’internaute fonde ses accusations en affirmant que Laurent Fiscus dissimule son nom, qui ne figurerait pas dans le décret de nomination. Ce qui est faux, son nom est bien visible dans chacun des décrets cités plus tôt.
Les procès-verbaux sont bien prévus par des lois
Sont aussi attaqués les procès-verbaux (PV) qui, selon l’internaute, doivent reposer sur des lois. Il cite pour cela l’article 429 du Code de procédure pénale, qui prévoirait que « ce procès-verbal se doit [d’]appliquer […] une loi et non pas […] des article[s] de Code qui [n’]appliquent pas […] une loi ». Cette phrase ne figure évidemment pas dans l’article 429.
L’internaute ajoute que le code de la route, sur lequel doivent s’appuyer les PV, selon sa fausse citation, n’applique pas des lois. Et donc que les PV sont illégaux.
En plus de mobiliser un passage falsifié du Code de procédure pénale, l’auteur se trompe sur le contenu du code de la route. Les infractions qui peuvent être relevées lors d’un contrôle routier et consignées dans un PV sont bien prévues par des lois.
Par exemple, le fait de conduire en étant sous l’emprise de stupéfiants est interdit par l’article L235-1 du code de la route, article créé et modifié par des lois successives.
L’ANTAI n’est pas une entreprise privée américaine
Un argument revient souvent pour attaquer la légitimité et la légalité d’organismes publics : ils sont répertoriés dans le registre de Dun & Bradstreet (D&B), une entreprise basée aux États-Unis. Fondé à la moitié du XIXe siècle, cet établissement est spécialisé dans l’analyse et la fourniture de données financières et commerciales sur les entreprises du monde entier.
Toute entreprise ou organisme peut y figurer et avoir un numéro attitré. Deux choses sont à préciser. D’une part, les entités inscrites sur le registre D&B ne sont pas nécessairement états-uniennes. Les administrations publiques françaises qui y ont un numéro ne sont donc pas sous la coupe d’une puissance étrangère.
D’autre part, toutes ces entités ne sont pas non plus des entreprises privées. Si l’on regarde de plus près la fiche D&B de l’ANTAI, on peut y lire qu’il s’agit bien d’une administration publique.
Il n’est pas surprenant de retrouver des organismes publics, comme la fameuse « République française Présidence » (autrement dit, l’Élysée), bien connue de la mouvance des Citoyens souverains. Ces entités ont une activité économique et font travailler des agents.
Hélas, il faudra encore régler ses amendes auprès de l’ANTAI, qui est bien légale.