Non, cette vidéo ne montre pas la réaction de l’oxyde de graphène aux ondes émises par la 5G
Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste
Relecteur : Etienne Merle, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, journaliste stagiaire
Source : Publication X, le 27 janvier 2025
Une vidéo censée démontrer la dangerosité de l’oxyde de graphène a été détournée de son sens originel. L’expérience, relayée dans de nombreuses publications, a été réalisée par des étudiants de Stanford en 2015, elle montre la réaction de billes métalliques à des charges électriques.
Après sa supposée présence dans les vaccins contre la Covid-19, le graphène, sous sa forme oxydée, réagirait aux ondes émises par le 5G, selon de nombreuses publications sur les réseaux sociaux. La preuve, comprend-t-on, de sa dangerosité pour l’homme. Toutefois, la vidéo ici exploitée n’a rien à voir ni avec la 5G… ni le graphène.
En effet, bien que redimensionnée, la vidéo utilisée a été publiée sur YouTube en 2015 par des étudiants de l’université de Stanford, comme Les Surligneurs l’ont découvert. L’expérience qui y est décrite en anglais ne mentionne jamais le matériau honni, mais des « ball bearings », soit roulements à bille en français. On peut alors y observer leur réaction lorsqu’ils sont soumis à des charges électriques.
Comme l’indique la vidéo, cette expérience est une reproduction d’une expérimentation réalisée par le professeur de physique Alfred Hubler. L’homme a également filmé son expérience (à partir de 22 minutes), en 2009 à en croire la description de la vidéo.
Et, d’un point de vue purement temporel, la 5G n’était pas encore déployée aux dates des différentes publications (2009 et 2015). Impossible, donc, que l’expérience s’y réfère.
Ce n’est pas la première fois, par ailleurs, que la vidéo estudiantine est détournée pour appuyer des théories sans fondements si l’on en croit les articles de fact-checking déjà publiés à cet égard pas nos confrères de Reuters, VERA Files, ou encore de l’AFP.
Plus largement, le graphène en lui-même fait souvent l’objet de nombreuses désinformations sur les réseaux sociaux. La plus courante étant que le matériau, reconnu pour ses propriétés exceptionnelles, serait présent dans les vaccins contre la Covid-19. Une affirmation qui n’a jamais été démontrée, comme l’indiquaient déjà Les Surligneurs il y a quelques semaines, dans un article concernant des traces du matériau dans la composition d’anesthésiants dentaires.
5G et graphène, connexion non établie
Aujourd’hui, les pourfendeurs du graphène n’en démordent pas : sa prétendue présence dans notre corps pourrait donc être dangereuse à l’heure du tout-numérique.
Sur le fond, le lien entre 5G et réaction de l’oxyde de graphène ne se base sur aucune recherche ou étude scientifique. « À ma connaissance, l’effet potentiel le plus couramment admis des ondes électromagnétiques est lié à un possible échauffement, s’il se produit dans les conditions d’usage. Si l’oxyde de graphène est sensible à la température, il ne se passe pas grand-chose en dessous de 90°C, température qu’il me semble improbable d’atteindre en conditions de téléphonie », affirme Emmanuel Flahaut, directeur de recherche au CNRS.
« Tout cela ne repose sur rien de sérieux, c’est n’importe quoi. Le graphène est certes un matériau conducteur, mais au même titre qu’un petit bout de métal », affirme à son tour Vincent Bouchiat, le fondateur et PDG de Grapheal, une start-up grenobloise. « Nous n’avons connaissance d’aucune indication selon laquelle l’oxyde de graphène ou d’autres dérivés du graphène sont utilisés dans des appareils de communication 5G commerciaux et que ces matériaux sont réactifs aux ondes 5G de quelque nature que ce soit. », assure pour sa part Ron Mertens, directeur du site graphene-info.com.
L’oxyde de graphène, potentiellement dangereux
L’oxyde de graphène ne présente-t-il, pour autant, aucun danger pour la santé ? Des doutes existent. « Certains se sont inquiétés du fait que les flocons de graphène pourraient constituer un danger, par exemple en cas d’inhalation. », rappelle Ron Mertens.
Des propos attestés par les informations disponibles sur le site de Graphene Flagship, le projet européen de recherche initié en 2013 par la Commission européenne : « Les scientifiques de Graphene Flagship ont récemment découvert que l’inhalation d’oxyde de graphène pouvait avoir des effets néfastes sur les poumons, en fonction de la taille des particules. »
Pour Vincent Bouchiat, « la dangerosité de l’oxyde de graphène est limitée comparée à d’autres nanoparticules ». Quoi qu’il en soit, la toxicité de l’oxyde de graphène n’en reste pas moins sans lien avec les ondes électromagnétiques émises par la 5G ou une potentielle présence de graphène dans les vaccins contre la Covid-19.