Attention, la Hongrie n’a pas refusé la prolongation des sanctions contre la Russie
Auteur : Hugo Guguen, juriste
Relecteur : Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Fanny Velay, journaliste stagiaire
Source : Compte Facebook, le 2 février 2025
La Hongrie avait laissé planer le doute sur l’utilisation de son veto pour refuser la prolongation des sanctions de l’Union européenne contre la Russie pour des considérations énergétiques. Mais contrairement aux affirmations de certains internautes, elle a finalement renoncé à activer son veto et les sanctions ont bien été renouvelées.
L’Union européenne ne sanctionne plus la Russie pour son invasion de l’Ukraine ? Selon certains internautes, le renouvellement des sanctions n’aurait pas eu lieu en raison d’un veto utilisé par la Hongrie.
« Hier la Hongrie a refusé la prolongation des sanctions de l’UE contre la Russie, ce qui signifie que le 31 janvier toutes les sanctions ne seront plus effectives », peut-on par exemple lire sur les réseaux sociaux. « Enfin plus d’aide à ses extrémistes d’ukrainiens », se réjouissait un utilisateur Facebook.
C’est faux, la Hongrie a renoncé à activer son veto et les sanctions contre la Russie ont été validées à l’unanimité par les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne le 27 janvier 2024. Ces sanctions ont été renouvelées pour six mois. Les Surligneurs font le point.
Une Hongrie familière avec le chantage du droit de veto
Initiée en juillet 2014 par le Conseil de l’Union européenne, en réponse aux actions de déstabilisations de la Russie en Ukraine, les sanctions financières ont été multipliées depuis l’invasion du pays par le Kremlin, le 24 février 2022. Depuis cette date, l’Union européenne a imposé quinze séries de sanctions économiques à Moscou et renouvelle ces sanctions tous les six mois. Le délai pour la dernière prolongation expirait ce 31 janvier.
Pour que ce renouvellement soit autorisé, les membres du bloc doivent voter à l’unanimité. Il s’agit généralement d’une formalité. Mais depuis plusieurs semaines, Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois, avait laissé planer un doute sur l’utilisation de son veto pour mettre un terme à ce renouvellement.
Cette unanimité nécessaire a permis à Viktor Orban de faire pression sur le bloc européen dans l’espoir de forcer l’Ukraine à rouvrir un gazoduc de transit pour le gaz russe. Kiev avait en effet annoncé suspendre les flux de gaz russe vers l’Europe via le gazoduc Droujba à partir du 1ᵉʳ janvier 2025.
« L’Europe paye un coût très élevé en sanctionnant la Russie. La Hongrie, à elle seule, a perdu 19 milliards d’euros sur ces trois dernières années en raison de ces sanctions. Le minimum que les ukrainiens peuvent faire est de garantir l’acheminement de pétrole et de gaz vers l’Europe », insiste-t-il sur son compte X sans donner de source à ses chiffres.
Budapest n’est pas étrangère à l’utilisation de son veto comme une arme de pression politique. En janvier 2024, les députés du Parlement européen ont même appelé à des réformes du processus décisionnel dans le but de mettre fin aux abus du droit de veto et au chantage.
Viktor Orban avait, par exemple, menacé de « tirer le frein à main » en opposant son veto à un programme européen de 50 milliards d’euros destiné d’aide pour l’Ukraine, rapportait déjà la BBC en décembre 2023.
Des sanctions bel et bien renouvelées
Pourtant, malgré toutes ses menaces, la Hongrie n’a finalement pas appliqué son veto. Le 27 janvier 2025, en dépit des menaces répétées de Budapest, les sanctions à l’encontre de la Russie, mises en place depuis l’invasion de l’Ukraine, ont ainsi été renouvelées pour une nouvelle période de six mois (jusqu’au 31 juillet 2025).
« Cela continuera à priver Moscou de revenus pour financer sa guerre. La Russie doit payer pour les dommages qu’elle cause », concluait sur X, Kaja Kallas, la Vice-présidente de la Commission européenne. Ces sanctions touchent un large éventail de secteurs russes tels que le pétrole, le charbon, la technologie, la finance ou les transports, ainsi que le gel de 210 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale de Russie.
Mais pourquoi la Hongrie a-t-elle levé son opposition ? À en croire le ministre hongrois des Affaires étrangères Péter Szijjártó, elle aurait obtenu des garanties sur son approvisionnement énergétique en échange de son soutien aux sanctions contre la Russie, a-t-il déclaré sur les réseaux sociaux.
Selon Euronews, l’accord aurait été conclu après une déclaration conjointe et non contraignante de Kaja Kallas et de la Commission européenne. Cette déclaration, dont l’existence n’a, pour le moment, pas été confirmée auprès des Surligneurs, aurait pour objet de soutenir la sécurité énergétique de la Hongrie et de l’inclure au processus de discussion avec l’Ukraine sur l’approvisionnement de l’Europe via son système de gazoduc.
Contactés, ni la Commission européenne, ni le gouvernement hongrois n’ont répondu à nos sollicitations.
Cependant, si cette escarmouche avec Budapest a finalement permis le renouvellement des sanctions, il est toujours possible que la Hongrie menace de nouveau d’employer son veto dans six mois. Lorsque le régime de sanctions devra à nouveau être prolongé, ou lors d’une discussion pour un 16ᵉ train de sanctions fin février, lors du troisième anniversaire de l’invasion russe.