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Covid-19 : Vladimir Poutine veut-il extrader un ancien conseiller à la Maison-Blanche pour crimes contre l’humanité ?

Création : 11 février 2025

Auteur : Nicolas Turcev, journaliste

Relectrice : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 23 janvier 2025

L’immunologue Anthony Fauci, qui a conseillé sept présidents américains, serait la cible du président russe pour le rôle qu’il a joué dans la pandémie de Covid-19. Mieux : l’extradition ferait partie d’un accord visant à mettre un terme à la guerre en Ukraine. En réalité, aucun élément ne permet de faire de telles suppositions.

Vladimir Poutine « ferait pression » pour extrader un ancien conseiller de la Maison-Blanche « dans le cadre d’un accord » visant à mettre un terme au conflit ukrainien, affirme un internaute sur le réseau social Facebook.

Le mis en cause est Anthony Fauci, conseiller médical en chef pour la santé publique sous sept présidents et ancien directeur de l’Institut américain des maladies infectieuses. Et à en croire l’internaute, la Russie souhaiterait qu’il soit mis en examen pour « crimes contre l’humanité » dans un hypothétique dossier lié au Covid-19.

Ce scénario digne d’un roman d’espionnage et populaire sur la toile semble destiné à rester cela : de la pure politique-fiction. Première raison de douter de ce récit : son origine provient du site The People’s Voice, un faux média dont la désinformation constitue le fonds de commerce. La précédente version du site, intitulée YourNewsWire, a fait l’objet de plus de 80 rectifications par des journalistes du monde entier. 

En y regardant de plus près, une citation clef de Vladimir Poutine employée dans l’article de The People’s Voice faisant référence à un processus d’extradition entre les États-Unis et la Russie est sortie de son contexte.

Le chef d’État russe explique s’attendre à ce que les deux pays « respectent des engagements mutuels » sur l’extradition de criminels. Sauf que cet extrait est issu d’une dépêche de l’agence russe Tass publiée en juin 2021 et fait référence à l’extradition de cybercriminels entre les deux puissances. Autrement dit, rien à voir avec Anthony Fauci et l’offensive russe en Ukraine, qui a lieu huit mois plus tard.

Pas de traité d’extradition

Il apparaît ensuite peu probable que les États-Unis acceptent d’expédier un de leurs ressortissants vers la Russie, un pays avec lequel l’Oncle Sam n’a pas conclu d’accord d’extradition, contrairement à une centaine de pays, dont la France.

Le docteur Fauci ne fait pas non plus l’objet d’une notice rouge publique d’Interpol qui aurait pu être émise par la Russie si elle souhaitait son arrestation puis son extradition.

L’affirmation selon laquelle le destin d’Anthony Fauci serait lié à un accord de paix en Ukraine paraît tout aussi invraisemblable. D’après les derniers développements diplomatiques relayés dans la presse, le sort du praticien ne fait pas partie des sujets évoqués dans les négociations.

Les consultations initiées par les États-Unis ces derniers jours devraient se poursuivre en fin de semaine, à la conférence de sécurité de Munich, où l’envoyé spécial pour l’Ukraine de Donald Trump, le général Keith Kellogg, mènera des consultations.

Contactés par Les Surligneurs, Interpol, le gouvernement russe et le département d’État des États-Unis n’ont pas donné suite à nos sollicitations.

Dans le viseur des trumpistes depuis des années

À la tête du dispositif de réponse américain face au Covid-19, Anthony Fauci a acquis une large notoriété durant la pandémie. Avec à la clef, une cascade de fausses nouvelles ciblant l’immunologue.

À l’été 2020, un photomontage du spécialiste publié sur les réseaux sociaux lui attribuait une fausse déclaration selon laquelle le docteur de renommée mondiale aurait incité au déploiement du vaccin contre le Covid-19 avant que des études ne soient réalisées sur son impact.

Un an plus tard, la publication par BuzzFeed de la volumineuse correspondance électronique d’Anthony Fauci pendant la pandémie a remis une pièce dans la machine à fantasmes.

Le médecin aurait alors soi-disant confirmé l’hypothèse d’un virus conçu en laboratoire à Wuhan. Pourtant, il ne faisait qu’évoquer, sans certitude, l’une des origines possibles de l’agent pathogène.

Soupçonné par une partie de l’opinion américaine d’être responsable de dissimulations liées au Covid-19, et accusé d’avoir restreint les libertés avec l’imposition de gestes barrières, Anthony Fauci est devenu l’une des cibles favorites de l’extrême droite, jusqu’à recevoir des menaces de mort.

Les rumeurs le concernant ont repris de plus belle après le pardon présidentiel que lui a accordé Joe Biden, peu avant de céder sa place à la tête des États-Unis à Donald Trump.

Bien qu’il ne fasse officiellement l’objet d’aucune enquête, Anthony Fauci a été gracié de façon « préventive », en cas de volonté de « revanche » de Donald Trump, auquel le scientifique s’était opposé lors du premier mandat présidentiel du magnat de l’immobilier. Lequel a décidé, quelques jours plus tard, de révoquer la protection policière dont bénéficiait son ancien conseiller.

« Vous ne pouvez pas bénéficier d’une protection pour le restant de votre vie juste parce que vous avez travaillé pour le gouvernement », a justifié lors d’une conférence de presse, le 24 janvier dernier, celui qui peut bénéficier d’une protection à vie des services secrets pour lui et sa famille.