Non, Robert Ménard n’a toujours pas le droit d’installer une crèche de Noël au sein de sa mairie
Autrice : Jade Aubry–Tissot, étudiante en master d’action publique et métiers du droit à Sciences Po Saint-Germain-en-Laye,
Relecteurs : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Clara Robert-Motta, journaliste
Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun
Secrétariat de rédaction : Guillaume Baticle, journaliste, doctorant en droit public à l’Université de Poitiers
Source : Le Parisien, 29 novembre 2025
Le samedi 29 novembre 2025, Robert Ménard, maire de Béziers, a fait inaugurer, comme à son habitude, une crèche de la nativité dans la cour intérieure de la mairie biterroise. Cette installation n’est pourtant pas autorisée par la loi et a déjà été punie à de multiples reprises.
Mais que serait Noël sans l’immanquable bal des crèches au sein des mairies ? Chaque année, quelques municipalités, dont celle de Béziers dirigée par Robert Ménard, réinstallent illégalement une crèche de la Nativité dans leur hôtel de ville.
Déjà sanctionné huit fois depuis 2014, le maire persiste à ne pas respecter les décisions de la justice administrative. Cette année, la crèche a été vivement critiquée par plusieurs organisations, notamment la Ligue des Droits de l’Homme. Lors de son inauguration, un rassemblement baptisé « Vive la laïcité » s’est tenu en signe de protestation.
Malgré l’insistance de Robert Ménard, cette année encore, l’installation de la crèche ne passera toujours pas.
Une atteinte à la laïcité et à l’exigence de neutralité du service public
La loi du 9 décembre 1905, relative à la séparation des Églises et de l’État prévoit à l’article 28 qu’il est interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception [des édifices cultuels], cimetières, monuments funéraires, et musées ou expositions ».
La jurisprudence rappelle que, selon la loi de 1905, une crèche possède une dimension religieuse qui peut déroger au principe de neutralité des bâtiments publics accueillant un service public. C’est sur ce fondement que la cour administrative d’appel de Marseille avait jugé illégale en 2017 la crèche installée par Robert Ménard à Béziers.
Dans la même logique, le tribunal administratif de Montpellier a annulé le 18 février 2025 la décision d’installer une crèche dans la mairie biterroise, en soulignant que ces installations ne sont permises dans un bâtiment public que si elles revêtent « un caractère culturel, artistique ou festif », sans exprimer une préférence religieuse.
Ce principe découle de la conception « hybride » retenue par la jurisprudence — et validée par le Conseil d’État — qui laisse aux juges le soin d’apprécier au cas par cas la légalité de telles installations, bien qu’en principe leur présence demeure interdite.
Un récidivisme quasi coutumier
À Béziers, la condamnation annuelle prend des allures de coutume de Noël. Depuis 2014, Robert Ménard renouvelle, chaque hiver, son initiative et les sanctions prononcées ne parviennent pas à arrêter la récidive de l’édile.
On pourrait penser qu’avec les huit condamnations précédentes, il serait physiquement impossible à Robert Ménard de faire installer la crèche dans la cour de l’hôtel de ville. Mais la justice ne fonctionne pas comme ça.
En effet, une suspension en urgence semble difficilement caractérisable cette année, comme ce fut le cas l’année passée. Le tribunal administratif de Montpellier avait estimé que l’atteinte invoquée n’était pas suffisamment grave et immédiate pour justifier une intervention en urgence. Ce refus avait ainsi permis à la crèche d’obtenir un sursis et de rester en place pendant toute la période des fêtes, bien qu’elle ait été déclarée illégale deux mois plus tard.
D’autant plus que l’édile a plus d’un tour dans son sac. Si la crèche est déclarée illégale dans l’enceinte du bâtiment public, loin de lui l’idée d’y renoncer totalement. Jésus, Marie, Joseph, l’âne et le bœuf se trouveront relogés quelques pas plus loin, à l’extérieur du bâtiment public, pour éviter l’astreinte par jour de refus du retrait comme ce fut le cas en 2017.
Mais toutes les crèches ne sont pas si pérennes, et tous les maires ne sont pas si inventifs. En février 2025, la commune de Beaucaire s’est vu obligée de retirer en urgence sa crèche par le tribunal administratif de Nîmes et sous astreinte d’une amende calculée en fonction du nombre de jours de retard.
Au total, la commune a été condamnée pour 42 jours de retard, soit à une amende totale de 103 000 euros. Une somme conséquente aux frais de la commune, et donc des habitants, et non du maire
Pour rappel, le gouvernement dispose d’un pouvoir de suspension du maire, lorsque ce dernier commet une illégalité. Une sanction qui n’est que très rarement appliquée. Dans un contexte de démocratie locale, le maire est responsable, en principe, devant ses électeurs.
Tous les regards se tournent alors vers le préfet, qui contrôle les actes des communes. Il dispose du pouvoir, sans en avoir l’obligation, de demander au juge de suspendre la décision d’installation très rapidement.
À la différence des référés déposés par les particuliers et les associations, le préfet n’a pas à justifier d’une condition d’urgence. Pourtant, il ne s’est jamais engagé dans cette voie, ce qui lui vaut aujourd’hui de vives critiques pour son inaction.
