Les Surligneurs est un média indépendant qui lutte contre la désinformation politique

rubriques
Rapport 2017 UNHCR Greece

Les demandeurs d’asile reçoivent-ils vraiment une carte prépayée de 550 euros rechargée tous les mois ?

Création : 21 novembre 2025

Autrice : Clara Robert-Motta, journaliste

Relecteur et relectrice : Tania Racho, docteure en droit européen, chercheuse-associée à l’Université Paris-Saclay

Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Clara Robert-Motta, journaliste

Source : Compte Facebook, le 14 novembre 2025

Des internautes assurent que les demandeurs d’asile en Europe recevraient une carte prépayée rechargée automatiquement chaque mois jusqu’à 550 euros payée par l’Union européenne et les Nations Unies. Les personnes qui ont fait des demandes d’asile en Europe ont, en effet, des droits et peuvent recevoir des aides financières, mais les conditions d’accès sont restreintes et ce n’est pas automatique.

En cette fin d’année 2025, les pays de l’Union européenne tentent de se mettre d’accord sur la répartition de 30 000 personnes migrantes pour se conformer au Pacte asile et migration, adopté l’année dernière et qui prévoit un mécanisme de solidarité entre les États membres pour répartir « plus équitablement » la prise en charge des demandeurs d’asile sur le sol européen. 

Il n’y a pas que les politiques pour lesquelles la question migratoire reste brûlante. Une vieille photo a été ressortie de ses cartons sur les réseaux sociaux pour dénoncer un supposé scandale. Des publications présentent une photo d’une lettre accompagnée de ce qui semble être une carte bancaire : « Les demandeurs d’asile qui viennent en Europe reçoivent une carte prépayée du HCR et de l’UE de Mastercard qui est automatiquement rechargée chaque mois jusqu’à 550 € », écrivent-ils. 

L’affirmation ne manque pas d’indigner certains internautes : « Et surtout, cassez-vous bien le cul à vous lever le matin pour aller bosser pour essayer de survivre !! Vive l’Europe !! »

Pourtant, il faut nuancer cette déclaration. Être demandeur d’asile en Europe ouvre des droits, dont financiers, parfois sur des cartes de paiement, mais les critères sont très restreints. 

Une vieille photo utilisée depuis 2017

La photo en ligne est facilement trouvable grâce à une recherche par image inversée. Il s’agit d’une image d’un rapport de l’UNHCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés de 2017 concernant le « Greece Cash Alliance ». À l’époque, et depuis 2015, la Commission européenne soutenait l’aide humanitaire en Grèce à son programme d’aide d’urgence (ESTIA), géré par le service d’aide humanitaire et de protection civile de l’Union européenne (ECHO). Ce dernier était mis en œuvre sur le terrain par différentes organisations, comme des ONG, mais aussi l’UNHCR. 

L’UNHCR, contacté par la rédaction, explique qu’ils ne fournissent pas d’aide régulière aux demandeurs d’asile en Europe, contrairement aux affirmations des internautes. “Notre rôle consiste principalement à conseiller et à soutenir les gouvernements afin de garantir des procédures d’asile équitables et efficaces, à promouvoir des conditions d’accueil adéquates et à aider à coordonner les interventions humanitaires lorsque cela est nécessaire”, développe la porte-parole.

En revanche, les personnes qui ont déposé une demande d’asile dans un pays de l’Union européenne ont des droits, appelés « conditions matérielles d’accueil ». En 2024, 912 805 personnes ont demandé l’asile pour la première fois dans l’Union européenne (une baisse de 13 % par rapport à 2023), dont 130 860 en France.

Les États membres sont tenus de transposer la directive européenne sur les conditions d’accueil de 2013 (qui sera remplacée en 2026 par une autre adoptée en 2024 dans le cadre du Pacte asile et migration) dans leur législation nationale, et notamment les articles 17 et 18 qui précisent les conditions de vie digne dans lesquelles l’accueil des demandeurs d’asile doit se faire. 

« Au niveau de l’UE, la directive actuelle sur les conditions d’accueil règlemente inter alia le type d’aide financière accordée aux demandeurs d’asile, mais elle ne fixe pas de modalités spécifiques, ni de montant fixe ou minimum »

« Au niveau de l’UE, la directive actuelle sur les conditions d’accueil règlemente inter alia le type d’aide financière accordée aux demandeurs d’asile, mais elle ne fixe pas de modalités spécifiques, ni de montant fixe ou minimum », Stavros Papageorgopoulos, juriste au European Council on Refugees and Exiles, un regroupement d’ONG européennes.

Comme le rappelle l’UNHCR, le type et le niveau d’aide varient d’un pays à l’autre. « Ils peuvent inclure un hébergement temporaire, une aide alimentaire et une petite allocation financière pour couvrir les besoins de base pendant le traitement de leur demande d’asile. »

En France, ce droit est garanti via la transposition de la directive dans le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et Code de l’action sociale et des familles. Ainsi, une personne qui demande l’asile va pouvoir bénéficier d’une aide financière afin de subvenir à des besoins basiques. Mais tout le monde n’y a pas accès, les conditions sont restreintes. 

Tout d’abord, il faut pouvoir faire une demande d’asile auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) après s’être enregistré auprès d’un guichet unique des demandeurs d’asile. Le temps que la procédure de demande d’asile soit traitée par l’OFPRA, le principe est simple : il faut que la personne ait de quoi se nourrir et se loger. Pour cela, soit la personne a ses propres moyens, soit – et ce n’est donc pas automatique – la France peut fournir une allocation pour demandeur d’asile (ADA).

Une allocation conditionnée à des ressources très basses

Il y a plusieurs conditions : il ne faut pas être un ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, être entré sur le territoire français depuis moins de 90 jours, et surtout avoir des revenus inférieurs au revenu de solidarité active (pour une personne seule en 2025, le RSA minoré était de 646,52 euros, et 1 616,31 euros pour un couple avec trois enfants).

Le montant de l’ADA, gérée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), varie selon plusieurs critères. Pour une personne seule, l’ADA est de 6,80 euros par jour, et ce montant augmente en fonction du nombre de personnes dans votre famille (jusqu’à 37,40 euros pour une famille de 10 personnes).

Un montant supplémentaire (7,40 euros par jour, quelle que soit la taille de la famille) peut être ajouté si l’OFII et ses antennes n’ont pas proposé d’hébergement aux personnes qui ont accepté la prise en charge.

En clair, une personne seule demandeur d’asile, ayant des ressources inférieures au RSA et qui aurait fait la demande d’un logement et n’en aurait pas eu, pourrait au maximum recevoir 440,2 euros par mois.

Le versement de l’ADA n’est que temporaire. Dès lors que la demande d’asile est acceptée ou refusée, l’ADA s’arrête. Elle peut aussi être suspendue avant si la personne refuse une proposition d’hébergement, ne vient pas à certains rendez-vous, quitte le lieu d’hébergement « sans motif légitime ».

Pas le droit de travailler

Autre point important, faire une demande d’asile en France signifie que la personne ne pourra pas travailler pendant six mois à compter du dépôt de sa demande. Si l’OFPRA n’a pas statué au-delà de cette période, la personne demandeur d’asile peut faire une demande de permis de travail. 

Quant aux cartes bancaires, il s’agit désormais d’une pratique commune pour le versement de ces aides dans les pays européens. En effet, en France, on reçoit l’ADA sur une carte de paiement et qui est rechargée en fonction du montant alloué. Depuis 2019, il n’est plus possible de retirer de l’argent aux distributeurs automatiques avec ces cartes. Les allocataires de l’ADA ne peuvent faire que des paiements (seulement 25 par mois, au-delà, il y a des frais). Il s’agit ainsi de contrôler que l’allocation est « bien » utilisée. 

L’OFII ne nous avait pas encore répondu quant au nombre de bénéficiaires de l’ADA à la parution de l’article. Au 31 décembre 2021, 111 901 allocataires bénéficiaient de l’ADA d’après les données transmises par l’OFII à Libération.

 

Nous avons besoin de vous !  Participez à notre campagne de financement et soutenez le seul média de lutte contre la désinformation politique