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Le Premier ministre Slovaque Robert Fico, en 2025. Photo : Gage Skidmore from Surprise, AZ, United States of America

Non, l’Union européenne n’a pas prévu de priver la Slovaquie de son droit de vote

Création : 19 novembre 2025

Auteur : Nicolas Kirilowits, journaliste

Relecteur : Etienne Merle, journaliste

Liens d’intérêts ou fonctions politiques déclarés des intervenants à l’article : aucun

Secrétariat de rédaction : Etienne Merle, journaliste

Source : Compte Facebook, le 8 novembre 2025

Malgré un tournant conservateur, marqué notamment par l’adoption d’un amendement constitutionnel ne reconnaissant que deux genres, la Slovaquie n’est pas menacée par l’UE de sanctions pouvant conduire à la suspension de ses droits de vote.

Réélu en 2024 à la tête du gouvernement slovaque, Robert Fico inscrit son nouveau mandat dans les pas illibéraux de Viktor Orban, le leader hongrois. Ainsi, fin septembre, le Parlement slovaque a adopté un amendement constitutionnel aux accents pour le moins conservateurs.

Le texte établit que « les parents d’un enfant sont la mère et le père ; la mère de l’enfant est une femme et le père de l’enfant est un homme », tandis que « la République slovaque reconnaît uniquement le sexe biologiquement déterminé de l’homme et de la femme ».

Sur les réseaux sociaux, Robert Fico a célébré « un moment historique », invoquant des « racines » qu’il convient de préserver « au péril de nos vies pour survivre ».

Une tonalité grave qui ne serait pas du goût de l’Union européenne selon certaines publications sur les réseaux sociaux. L’une d’entre elles affirme ainsi que « l’Union européenne pourrait priver la Slovaquie de son droit de vote pour avoir reconnu uniquement deux sexes ».

Pour une autre, le processus serait déjà en marche puisque, dit-elle, « l’UE s’apprête à priver la Slovaquie de ses droits de vote. »

Mais est-ce vraiment le cas ? Après vérification, il s’avère que ces allégations sont erronées.

Deux motions parlementaires

Ainsi, d’après ces posts, le projet de sanction serait porté par le gouvernement néerlandais et reposerait juridiquement sur l’article 7 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

Or, malgré nos recherches, nous n’avons trouvé aucune information attestant cette position du pays batave. Comme le rappelle l’AFP, des parlementaires néerlandais ont voté, le 16 octobre, deux motions (1, 2) demandant à ce que leur gouvernement se saisisse de cette problématique, mais rien ne prouve – à l’heure actuelle – que celui-ci le fera ni qu’une telle intention conduira à des sanctions contre la Slovaquie. Contacté, le gouvernement néerlandais n’a pas répondu à nos questions.

Côté européen, une source du Conseil de l’Union européenne indique aux Surligneurs que « l’institution n’a pas pris de position concernant l’adoption de ces amendements constitutionnels. »

Sur son site Internet, le Conseil indique également que la procédure de l’article 7 du TFUE, pouvant conduire à la suspension des droits de vote, n’a été déclenchée que deux fois par le passé : contre la Pologne en 2017 (la procédure a été close en 2024), et contre la Hongrie en 2018. Or, comme l’explique le site spécialisé Toute l’Europe, « le mécanisme de l’article 7 n’a pourtant jamais abouti ». Ce dernier a été introduit dans les traités européens en 1999.

Une sanction jamais mise en œuvre

De fait, la mise en œuvre effective d’une telle sanction est extrêmement complexe et guère envisageable dans le cas de la Slovaquie au regard des conditions qui doivent être réunies pour qu’elle aboutisse.

Plusieurs étapes et votes, impliquant différentes institutions européennes (Conseil, Parlement, Commission), doivent être franchis avant que le Conseil, « statuant à la majorité qualifiée », décide « de suspendre certains des droits découlant de l’application des traités à l’État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil ». Ainsi, la seule volonté néerlandaise, même si elle existait, ne saurait être suffisante.

La Commission européenne, gardienne des traités, n’a pas répondu à nos sollicitations. Un article de Bloomberg, en date du 11 novembre, évoque « d’éventuelles poursuites judiciaires » de la Commission à l’encontre de la Slovaquie, mais n’indique jamais le déclenchement de l’article 7 et donc la suspension des droits de vote du pays.

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